Tafsîr sourate an-Najm

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Tafsîr sourate an-Najm

Résumé de l’assise du 28 mai 2016
Jumu’a 12 Cha’ban 1437

Ce cours se voudra être le second dans la Lecture du lâm al-qabd par le lâm lui-même. En terminant sa Lecture par le hâ’, il s’est établi par lui-même et pour lui-même, de sorte qu’il est à présent en mesure de se lire lui-même par lui-même, au travers de son propre miroir. Et en cela nous retrouvons la Sagesse de « Celui qui se connaît lui-même, Connait son Seigneur ».

Allâh –ta’ala- dit :
« Par l’Etoile lorsqu’elle descend !
Votre compagnon n’a pas été induit en erreur et ne s’est pas égaré. Et il ne prononce rien sous l’effet de la passion, ce n’est rien d’autre qu’une révélation inspirée, que lui a enseigné celui à la force prodigieuse, doué de sagacité. C’est alors qu’il se montra sous sa formé réelle, alors qu’il se trouvait à l’horizon ultime. Puis il se rapprocha et descendit encore plus, il fut alors à portée de deux arcs, ou plus près encore. »
[s53.v1/9]

Dans le premier verset, Allâh –ta’ala– jure par l’Etoile lorsqu’elle « hawa« , que l’on traduit ici par descendre, mais si l’on se penche davantage sur le sens de ce mot dans la langue arabe on constate qu’il renvoie soit à l’action de disparaitre (gharaba), à l’instar du soleil qui disparaît au crépuscule… soit à l’action d’apparaître (tala’a), lorsque la lune se lève par exemple. Si donc on considère le verset dans le sens de l’apparition (tala’a), alors Allâh –‘azza wa jall– jure par cette Etoile Muhammadienne ﷺ lorsqu’elle apparaît à l’horizon du ciel des cœurs revenant vers leur Seigneur et contemplant Sa Lumière. Cette Lumière étant l’Esprit de sayidina al-Mustafa ﷺ, et cet Esprit apparaissant ou se manifestant sous la forme d’une Etoile. Donc si l’on considère ce verset en prêtant au mot « hawa » le sens d’apparaître, Allâh –ta’ala– jure par la Lumière se manifestant dans le cœur de celui qu’Il souhaite faire revenir à Lui.

Et si au contraire on considère ce verset dans le sens de la disparition, puisque la langue arabe admet ces deux compréhensions à la fois, alors nous disons que Allâh –ta’ala– jure par cette Etoile, c’est-à-dire par cette nafs parvenue au fana et qui s’est débarrassée de toute ses considérations illusoires pour revenir à la Présence éternelle (Hadrat al-Khouloûd). Elle a donc disparu (gharaba) ou s’est exemptée de toute spatio-temporalité, et est revenue à la Persistance par Allâh (baqâ). Elle fut alors apaisée par la rencontre de son Seigneur : « Ô toi, âme apaisée, retourne vers ton Seigneur, satisfaite et agréée. Entre donc parmi Mes serviteurs, et entre dans Mon Paradis » [s89.v27/30] Soit : retourne au degré de la servitude (‘ouboudiya), qui est le degré le plus élevé qu’une créature puisse atteindre, et c’est alors que tu te délecteras des Connaissances célestes.

« Votre compagnon n’a pas été induit en erreur » par le fait de demeurer et s’en tenir à la nafs, et le détournement du But Ultime. Ceci veut dire que toute personne dans le cœur de qui la Lumière est apparue, ou toute personne dont les ténèbres de la nafs ont disparu pour revenir exclusivement à la Lumière de son Seigneur, se doit de demeurer perpétuellement dans l’étude et la contemplation de cette Lumière, toute sa vie durant. C’est de cette manière qu’on pourra dire qu’il ne s’est pas laissé induire en erreur et qu’il ne s’est pas détourné de son But. Ceci veut dire également que la personne chez qui cette Lumière est apparue ne doit pas se permettre de retourner aux ténèbres que sont les passions de l’âme charnelle, du fait que par cette apparition Lumineuse il a atteint la connaissance de l’état d’apaisement provoqué par la levée du Soleil des réalités profondes. Dans un premier temps, il était insouciant (ghâfil), il ne connaissait pas le But. Mais il regarda par le miroir de son cœur et il y découvrit cette Etoile qui y étincelait. La personne douée d’un minimum de bon sens et d’intelligence fera en sorte que l’Etoile ne s’éclipse jamais plus, après qu’elle se soit montrée à lui pour la première fois. Il demeurera dans sa recherche et son étude de manière perpétuelle, après avoir goûté et réalisé la différence qu’il y avait entre son état plongé dans les ténèbres et de celui de l’immersion dans la Lumière. Il n’accepte donc pas de retourner en arrière et descendre aux plus bas degrés, mais plutôt il est toujours dans un état de demande et d’attente de l’élévation. Et s’il s’en voit incapable, au moins il fait en sorte de ne pas diminuer de degré spirituel. « et ne s’est pas égaré (ghawa). » en se laissant voiler par les Attributs et en s’en tenant à eux (sans chercher au-delà) et à ce que peut en percevoir le cœur : plutôt, il demande l’Essence Suprême. C’est-à-dire qu’il a réalisé quel était le véritable But de la vision (mouchâhada) : informer au sujet de l’Unicité du Vrai –‘azza wa jall– et mettre en exergue la Présence Sanctifiée (Hadra Aqdassiya). De ce fait il fut dans un état de parfaite guidée. Quant à l’égarement (ghiwâya) vis-à-vis de quelque chose, il ne renvoie jamais qu’à une seule et même chose : le non suivi ou la non-conformité à la Vérité dans cette chose.

« Et il ne prononce rien sous l’effet de la passion » du fait qu’il est entièrement noyé dans la contemplation de son Seigneur. Celui donc qui se trouve perpétuellement plongé dans l’étude de cette Etoile de Lumière, effectivement il est incapable de parler sous l’effet de la passion… ceci bien sûr si ce qu’il dit et fait est accompagné d’un état de contemplation, et que ce qu’il voit est grandi et magnifié par son cœur. Alors ses paroles deviennent les Paroles du Vrai –‘azza wa jall-, et ses mots deviennent entièrement immaculés, exempt de toute teinte de la nafs : il s’agit plutôt de Paroles issues du Vrai, par le Vrai. Autrement dit, honte à celui qui voit la Lumière d’Allâh, qui cache et dissimule cette Lumière et retombe au degré des passions oralement exprimées, en vue de satisfaire sa nafs ou bien celle d’autrui… Celui-là est sans conteste un hypocrite (mounâfiq). Toute personne accédant à la vision de la Lumière du Vrai se doit de demeurer ferme et agir en accord avec ce qu’il a vu, en prenant garde de ne jamais plus retourner aux ténèbres de sa nafs.

« Ce n’est rien d’autre qu’une révélation inspirée » ce qui se manifeste en lui n’est rien d’autre qu’une révélation (wahiy), qui lui parvient par l’intermédiaire de l’inspiration divine (ilhâm al-ilâhiy), et ce depuis l’arrivée (de l’Etoile) à l’horizon de son cœur. Avant que l’Etoile ne descende, ou avant qu’elle ne s’élève dans le ciel de ce cœur retournant à son Seigneur, l’individu n’a absolument aucune part dans cette révélation. Mais à partir du moment où le Vrai –subhânahu wa ta’ala– confère et attribue une orbite à ce cœur (où évoluerait l’Etoile), l’individu se retrouve dans un état de réception de l’inspiration divine, excepté s’il préfère se détourner de cela et revenir à l’état dans lequel il se trouvait avant la prise du pacte et la vision de cette Lumière. Il en est ainsi depuis l’accès de l’Etoile à l’horizon du cœur, qui correspond au ciel de l’Esprit, jusqu’à l’achèvement de son ascension à l’horizon ultime qui est le parachèvement du degré de l’Esprit Limpide (al-roûh al-moubîn). Ainsi, tant que tu vois et contemples cette Lumière, tu tends et tu te rapproches de cet Esprit Limpide, et c’est lorsque tu parviendras à « l’horizon ultime » que tu parviendras à la réalité de cet Esprit. Et jusqu’à ce que tu parviennes à cet horizon, tu es et tu demeures dans un état d’étude et de suivi de cette Lumière qui en émane.

« que lui a enseigné celui à la force prodigieuse » il s’agit ici de l’Esprit Saint (al-roûh al-qoudous), qui est doté d’une force prodigieuse, c’est-à-dire qui exerce un pouvoir total sur tous les degrés inférieurs au sien, et qui influe sur chacun d’entre eux à sa guise : c’est là le lâm al-qabd (le lâm du saisissement), appelé également le lâm al-‘ichq (le lâm du désir ardent). Le lâm est l’intermédiaire par lequel le Seigneur fait parvenir le flux spirituel depuis Sa condition d’Être Exclusif (Ahad) vers l’âme première de l’Homme. Voilà pourquoi dans la première sourate du Coran, qui vient après la sourate al-Fâtiha évidemment, Allâh –ta’ala– jure par « Alif lâm-mîm / الم ». Le Alif ( ا ) est ici séparé du lâm-mîm ( لم ), ce qui renvoie à Sa réalité Exclusive, Singulière et d’Unique Être pouvant être invoqué… quant au lâm ( ل ), il est rattaché au mîm ( م ) de Muhammad ﷺ, comme si donc le lâm renvoyait à sayidina Jibrîl (‘alayhi s-salâm), et le mîm à sayidina al-Mustafa ﷺ. Ce lâm al-qabd est ainsi en réalité un miroir du mîm de la nafs, et la nafs se doit de suivre et se conformer à ce que le lâm fait apparaitre dans le mîm.

« doué de sagacité. C’est alors qu’il s’établit (istawa) sous sa forme réelle » c’est-à-dire détenteur d’une parfaite maîtrise de toutes les Sciences, inébranlable et non sujet à l’oubli : rien ne saurait s’opposer au lâm al-qabd sans que celui-ci ne le repousse immédiatement et dissipe toutes ses ténèbres. Donc lorsque l’Etoile apparaît, il n’est pas une chose qui puisse apparaitre et prendre le dessus sur elle. Et si le lâm n’avait pas été doté d’une force prodigieuse, de sagacité et d’établissement (istiwa), tu n’aurais pas pu le percevoir (c’est-à-dire l’Etoile) dans chaque chose de tes propres yeux. Ainsi, lorsque tu regardes le mur, il repousse l’image du mur et t’apparaît avant le mur lui-même. Et si en fermant les yeux tu observes les ténèbres de ta nafs, il repousse ces ténèbres et établit son Existence. Tout ceci est bien la preuve qu’il est effectivement doté « d’une force prodigieuse ». Ne le considères pas à la mesure de ce que te fait penser l’illusion de ton existence… sa force est incomparablement supérieure à tout ce que tu peux imaginer. Il affirme et établit Son existence, contrairement à la tienne qui n’est qu’illusion et dont la réalité est le néant total. « C’est alors qu’il s’établit (istawa) » : c’est alors qu’il s’établit sous sa forme Essentielle (dhâtiya), car il est en réalité un Attribut descriptif de l’Essence suprême.

« alors qu’il se trouvait à l’horizon ultime » l’horizon ultime correspond au plus haut des degrés de l’Esprit, depuis lequel découlent les différents degrés de manifestation de cet Esprit. L’Etoile descendit et se manifesta dans sa forme la plus parfaite, mais toujours à la mesure de ce que le cœur peut en percevoir, donc à la mesure du degré spirituel atteint. C’est ainsi que l’Etoile descend et se manifeste dans le cœur de l’individu, qui s’exclame alors : « J’ai vu.. j’ai perçu.. » Or ce ne sont là que des mensonges, car il n’a en réalité pu voir et percevoir de cette Etoile que ce que son état spirituel le lui permettait. Quant à la Haqîqa même de l’Etoile, il est incapable de la décrire, ni de l’exprimer, ni même de la désigner, parce que cette Haqîqa est incréée et de transcendance absolue, ne pouvant être cernée ni saisie. Lorsque l’Etoile se présente à toi, elle ne se dévoile qu’en fonction de ton degré spirituel et à la mesure de ton Amour pour ton Seigneur. Si ton degré d’Amour est celui de l’attirance (nawa), le reflet de l’Etoile se présentera à ton cœur de la manière qui sied à son état et te dévoilera la réalité de ton rapprochement du divin. Et si ton degré d’Amour est celui du désir ardent, le reflet de l’Etoile se manifestera à ton cœur sous la forme qui correspond à ce degré, et tu décriras ce que tu vois en fonction de ce que te permet de percevoir ton état… mais qu’en est-il de la Haqîqa de cette Etoile ? Ce savoir revient exclusivement à l’Unique sans associé. Voilà pourquoi en réalité tu n’as jamais fait que décrire ton propre état spirituel, tout en t’imaginant décrire l’Etoile Originelle. Or cette Etoile n’est pas comparable aux étoiles dans le ciel, pour que tu puisses parfaire et cerner sa description ou son étude par la réflexion scientifique. Non, cette Etoile est l’Etoile prééternelle, l’Etoile de la persistance, la Lumière primordiale…

« Puis il se rapprocha (dana) et descendit encore plus » et il s’agit ici d’une référence au degré spirituel que nous commençons à évoquer : le maqâm du retour au markaz du hâ’ al-hawiya. Et si l’individu revient à ce maqâm, il s’étudiera lui-même par lui-même, sans jamais plus se laisser distraire par son hâ’ ni par les formes apparentes et les théophanies qui ont animé son quotidien dans ce monde ou dans l’autre. A présent donc, toutes ces images ont disparu, et il ne lui incombe plus que de rechercher la Haqîqa de ce markaz, et ce jusqu’à ce qu’il en vienne à dire ce que sayiduna Jibrîl (‘alayhi s-salâm) dit avant lui : « Si je m’approche (dana), je brûle ».
« …et descendit encore plus » c’est-à-dire qu’il tendit dans la direction de l’état d’intimité et de retour depuis le Vrai vers la création. Donc dans un premier temps, il s’est affairé aux formes apparentes jusqu’à pleinement réaliser leur nature anéantie et ne plus leur attribuer la moindre once d’existence, afin que l’Existence revienne exclusivement à l’Etoile originelle. Cette Etoile se manifesta alors dans la forme qui convenait à son degré spirituel, jusqu’à prendre entièrement le dessus et s’établir à l’horizon ultime, de sorte que s’éteignit tout ce que ses yeux avaient jusque-là eu l’habitude de percevoir de son entourage. Puis, il s’agira pour lui de faire revenir et de rétablir tout ce dont il avait réalisé l’anéantissement, mais cette fois au travers de la réalité cachée des choses elles-mêmes… c’est-à-dire que dans un premier temps il voyait le ciel, sa mère, sa femme, ses enfants etc. Puis il a travaillé et fourni des efforts dans le but de faire apparaitre cette Etoile, et ce jusqu’à ce que l’horizon de son cœur soit rempli de sa Lumière… et c’est alors comme si ce cœur était devenu l’Etoile elle-même, ou bien comme s’il était devenu une copie conforme de cette Etoile. Dès lors, il ne vit absolument plus aucune chose, tout fut annihilé. Donc après avoir réalisé cette annihilation totale, il s’agira pour ce cheminant de rétablir ce qu’il y avait autour de lui, mais pas du même établissement que le premier, c’est-à-dire pas à la manière des gens du commun… plutôt, il s’agira d’un établissement des créatures par la Science, selon le statut ésotérique (bâtiniy) de chaque chose, c’est-à-dire selon le lien que chaque chose entretient avec les Secrets de l’Essence divine.

« il fut alors à portée de deux arcs, ou plus près encore. » c’est-à-dire qu’il était ﷺ, pour en revenir à la Wâsita suprême, au niveau du cercle réunissant en son sein toute l’existence illusoire, qu’il scinda en deux. C’est donc comme s’il était lui-même ce trait imaginaire séparant le cercle en deux arcs : l’un correspondant au Vrai et l’autre à la création. Et c’est de là que nait la scission du lâm al-qabd en deux parties, faisant ainsi naître (si l’on considère l’écriture du Nom « Allâh » attentivement) un arc-de-cercle comme « adossé » à un autre… avec au sommet l’apparence d’une liaison entre les deux, une apparence laissant à comprendre qu’il existe belle et bien un lien entre les deux arcs… et qu’en même temps il n’y en a aucun. Et selon la Haqîqa, il n’y a en réalité aucun lien. Le premier arc-de-cercle provenant du hâ’ al-hawiya est celui par lequel apparaissent les théophanies et toutes les formes apparentes de la création ; quant au second arc-de-cercle, il provient quant à lui du lâm al-ma’rifa qui est le miroir du Vrai –subhânahu wa ta’ala-. Ce tadalli (notion de rapprochement traduite ici par « ou plus près encore ») se réfère donc au rapprochement de ce second arc-de-cercle divin, à la réalisation du fana et de l’anéantissement total en lui. C’est-à-dire que tu étais toi-même un arc-de-cercle proche du hâ, et au cours des sept Lectures que tu as accompli du hâ’ al-hawiya tu as réuni un certain nombre de visions théophaniques dans ce qu’on pourrait appeler un registre, ou un livre qui recenserait toutes les manifestations divines que tu auras goûté… et donc que dois-tu en faire dans la Lecture du lâm al-qabd ? Tu te dois de retourner chaque théophanie au miroir du Vrai. Chaque manifestation que tu as vu dans le hâ al-hawiya, tu dois t’efforcer de la faire retourner vers ce miroir divin, car tu n’es plus un être de petite envergure, comme c’était le cas au cours de la première Lecture… Plutôt, tu es la réunion d’un ensemble de savoirs, après que te soient apparus les anges, les djinns, les cieux, les planètes etc. Tu as donc réuni un certain nombre de sciences, et c’est ces sciences que tu te dois de retourner au miroir du Vrai afin de pouvoir percevoir leur forme originelle, ou autrement dit afin que te soient dévoilées ce que nous appelons les nawâmis al-ilahiya. La nature de ta perception des théophanies doit donc changer de celle à laquelle tu t’étais habitué dans le hâ’ al-hawiya. Le Vrai est associé au premier arc-de-cercle, de toute éternité son état n’est pas sujet au changement. Quant à la création, elle correspond au dernier arc-de-cercle apparaissant après le fana, d’une existence nouvelle. C’est donc par ce lien entre les deux arcs qui à la fois les relie et est lui-même rompu, que nait la notion de Proximité divine dont il est question dans le Hadîth « Mon serviteur n’a de cesse de se rapprocher de Moi par des actes surérogatoires jusqu’à ce que Je l’Aime ». Si tu souhaites donc situer l’Aimant (al-Mouhibb) ou le Bien-Aimé (al-Habîb), tu te dois de le considérer justement au point de rencontre des deux arc-de-cercle, qui correspond à la partie supérieure du lâm al-qabd. C’est de là que s’établit le lien d’Amour, et de là que proviennent les théophanies qui se manifesteront dans l’arc-de-cercle du hâ’ al-hawiya.

« Il révéla à Son serviteur ce qu’Il lui révéla » c’est-à-dire que Allâh –subhânahu wa ta’ala– fit une révélation à Son serviteur, au travers de cet intermédiaire par lequel Son flux ésotérique parvient à Ses créatures : c’est de cette manière que les Sciences, les Secrets et les dévoilements du monde de l’inconnu sont transmis.

« Le cœur n’a pas menti en ce qu’il a vu » puisque nous parlons ici du lâm al-qabd, il y a un lien subtil liant ses deux parties au niveau supérieur. Ce que tu prends comme étant ta qibla ésotérique, de laquelle découle et apparait l’Etoile étincelante, n’est en réalité rien d’autre que ce lien subtil réunissant les deux parties du lâm al-qabd. Et c’est de là même que te parviennent les mouchâhadates, de là que découlent toutes les théophanies que tu perçois. Nous avions dit dans un premier temps qu’il s’agissait du markaz du hâ’ al-hawiya, et en cela nous ne t’avons pas menti ni trompé. Cela dit, si tu plongeais dans ce markaz, tu découvrirais qu’il est en réalité un lien subtil unissant les deux arc-de-cercle. Car de même lorsque tu travaillais d’un premier abord (dans le hâ’), tu établissais qu’il y avait un arc-de-cercle droit et un arc-de-cercle gauche, qui une fois réunis constituaient le hâ’ al-hawiya. Mais pourquoi le hâ’ al-hawiya ne s’est-il pas présenté d’entrée comme étant un cercle complet et non scindé ? Pourquoi s’agit-il d’un assemblage de deux arc-de-cercle ?
C’est pour que l’on perçoive que le lien unifiant les deux arcs est le lâm al-qabd, qui est lui-même le markaz du hâ’. Donc si tu l’étudies dans une considération de réunion (jam’), tu diras qu’il s’agit du markaz du hâ’ al-hawiya. Et si tu l’étudies au contraire dans une considération de différenciation (farq), tu diras qu’il s’agit du lien unifiant les deux parties supérieures du lâm al-qabd. « Le cœur (fou’âd) n’a pas menti en ce qu’il a vu », dans le degré du jam’, et le mot fou’âd désigne en arabe le cœur élevé au degré de l’Esprit, du fait de sa contemplation de l’Essence ainsi que de l’ensemble de tous les Attributs divins. Il s’agit là de la réunion de l’existence (jam’ al-woujoûd), et non pas de la réunion de l’unicité (jam’ al-wahda), laquelle n’admet l’existence ni de cœur, ni de serviteur, puisqu’en son sein absolument toute chose est renvoyée au fana : il s’agit là du fana premier que tu as réalisé au cours de la Lecture par le hâ’ al-hawiya, que l’on appelle jam’ al-wahda. Et que veut dire ce jam’ al-wahda ? Simplement qu’absolument rien n’a d’existence. Tout est fana : tu es fana, tout ce qui entre en contact avec toi est fana… Mais la réunion de l’existence, ou jam’ al-woujoûd, c’est le contraire : il s’agit d’établir et affirmer ce dont tu as réalisé la nature fana, et ce d’une manière divine (‘olwi), c’est-à-dire par l’intermédiaire de la Source de Réunion de l’Essence (‘aïn jam’ ad-dhât). Quant à la réunion de l’unicité, elle renvoie également à cette Source de Réunion de l’Essence, mais cette Réunion indique ici la Face Persistante (al-wajh al-bâqi), soit l’Essence existante ainsi que l’ensemble de tous les Attributs divins. De là débute la différenciation et la répartition des différents Attributs, ainsi que la mise en évidence de leurs réalités respectives. Et si tu n’as aucune connaissance de ce Savoir, tu limiteras le nombre d’Attributs divins à 20 comme tu l’as entendu dire, et tu n’iras pas plus loin. Lorsqu’on viendra te questionner sur les Attributs du Vrai, tu les énumèreras dans l’ordre de 1 à 20 sans pouvoir en ajouter un seul. Or, à partir du moment où il est établi que Allâh est Premier sans début et Dernier sans fin, de même Ses Attributs sont ainsi et tu ne saurais être en mesure de le cerner et les énumérer tous. C’est donc par l’intermédiaire de ce miroir que tu pourras retourner au Vrai Ses théophanies, et ces manifestations divines te montreront alors que leurs bases fondamentales sont des Attributs… comment ? En se montrant à toi dans le deuxième arc-de-cercle.

« Lui contestez-vous donc ce qu’il voit ? », le remettez-vous en question au sujet de quelque chose que vous ne comprenez pas ? C’est là le problème qui se trouve entre la nafs et l’esprit, ou entre l’aspirant et son miroir, ou entre l’individu et son âme… c’est quelque chose que vous ne comprenez pas et que vous êtes totalement incapable de saisir ni même d’imaginer. Comment pourriez-vous donc argumenter pour le réfuter ? A partir du moment où la chose vous échappe entièrement, il n’y a absolument pas lieu au débat. Ce reniement provenant du premier miroir, c’est-à-dire du premier arc-de-cercle avec le second, ne peut en aucun cas affirmer et établir quoi que ce soit, raison pour laquelle il n’y a pas de confrontation possible. La confrontation ne peut avoir lieu qu’entre deux parties détenant le savoir de ce sur quoi elles débattent. Et si tu avais la connaissance de ce sujet, comment débâterais-tu ? Tu ne détiens même pas de connaissance relative au monde du ghayb… tout ce que tu en sais, c’est ce qui est unanimement reconnu et admis, mais quelle en est la consistance réelle : tu n’en as aucune connaissance. C’est comme si je te décrivais un ange d’une certaine manière, et que toi tu venais me contredire en disant que non, ce n’est pas comme je le dis. As-tu déjà vu un ange sous un autre aspect que celui que je suis en train de décrire ? Non. As-tu donc une preuve ou un élément de base sur lequel tu fondes tes idées ? Non, tu n’as rien de cela. Alors pourquoi tu viens débattre ? Dans le degré dont il est ici question, il te faudra être détenteur de connaissances sur la Haqîqa, connaissances que tu auras acquises au travers de la mouchâhada. Et lorsque tu feras retourner la théophanie à sa nature d’Attribut, le miroir reniera et rejettera ce que tu avais pourtant vu au préalable de tes propres yeux. Et si le miroir renie ce que tu as vu, c’est là que naîtra le conflit et la confrontation entre toi et lui… si tu t’opposes à lui et rentres dans le débat, sache alors que tu n’as rien compris et que tu n’as aucune part dans ce cheminement spirituel. Pourquoi ? Simplement parce que dès lors que tu réagis ainsi, c’est la preuve qu’il demeure en toi encore une partie de ténèbres. Si tel n’avait pas été le cas, tu aurais reçu et accepté la chose avec facilité. Mais à partir du moment où tu fais travailler ta propre réflexion et dis : « non, c’est pas logique, ça ne colle pas c’est pas vrai… » sache que tu n’as aucune part dans l’arrivée au lâm al-qabd lu par le lâm al-qabd lui-même. Dès lors, tu seras de même dans l’incapacité d’accéder au lâm al-ma’rifa, du fait que tu contredis et rentres dans le débat à propos de choses qui te dépassent complètement. Tout ce que tu avais appris jusque-là, tu le feras revenir au second arc-de-cercle qui te l’anéantira entièrement… de même que le hâ’ al-hawiya t’avait déjà anéanti toute chose. Mais à partir du moment où, malgré ce retour absolu au fana, tu continues d’établir et affirmer les choses, et bien c’est comme si tu n’avais en réalité jamais lu et réalisé le hâ’. Comme si tu n’avais jamais rien lu du Nom divin. Ce que tu as appris dans le hâ’, c’est le fana… mais si vraiment tu avais réalisé ce fana, tu aurais dû le goûter dans le monde physique aussi bien que dans celui des sens profonds. Voilà pourquoi le lâm al-qabd ne t’accepte pas. Parce que pour le lâm al-qabd, tu dois voir les théophanies dans le monde physique, et le lâm devra te les anéantir de manière totale et absolue… Or, toi qui n’es jamais parvenu à réaliser la nature anéantie du monde physique, comment réaliserais-tu celle des théophanies que tu as reçues ? C’est pour ces raisons que le cheminement se montrera difficile pour toi. En résumé donc, la confrontation et le débat ne peuvent avoir lieu que dans la mesure où tu détiens toi-même un savoir et une connaissance de ce sur quoi tu veux discuter.

« Il l’a pourtant vu, lors d’une autre descente », c’est-à-dire que sayiduna al-Mustafa ﷺ vit sayidana Jibrîl (‘alayhi s-salâm) lors d’une autre descente, c’est-à-dire lors du retour depuis le Vrai vers le degré de l’Esprit (maqâm al-roûh). Donc le cœur vit les Secrets de l’Essence divine lors d’une autre descente, dans le monde du Jabaroûte, en dehors du cercle cernant les théophanies du monde créé. Ainsi, lorsque cet arc-de-cercle a renié et rejeté les théophanies que tu as pourtant bien vues, le cœur vit les Secrets de l’Essence dans le monde du Jabaroûte, qui sont les Secrets accompagnant de la manière la plus subtile les Lumières du Malakoûte et du Moulk. Ce ne sont pas les Lumières elles-mêmes qui sont les Secrets. Les Lumières ne font que donner une description du Secret. Elles sont là pour agiter et faire marcher ta réflexion, pour ouvrir ton intellect vers une conception plus vaste, afin de te permettre de percevoir davantage de flux divins. Quant aux Secrets eux-mêmes, tu ne peux y accéder à leur forme Malakoûtiya que si tu parviens à transcender leurs apparences jusqu’à accéder au monde du Jabaroûte.

« Près de sidrat al-muntaha », qui est l’Arbre de la Poignée de Lumière Muhammadienne, à laquelle s’est arrêtée la Science des Savants, puisque les pensées des mystiques (‘arifin) ne peuvent en aucun cas franchir les limites de son cercle. Son emplacement se trouve au septième ciel, duquel découle le Secret de la salât Ibrâhîmiya liée à cet Arbre Béni : « Ô Seigneur, prie sur sayidina Muhammad ainsi que sur la famille de sayidina Muhammad », comme si par cela nous nous référions à l’Arbre Béni. Il s’agit de la limite que même les anges ne peuvent franchir, au-delà de laquelle nul ne sait ce qui se trouve, et il s’agit là de la limite finale des différents degrés du Paradis. C’est l’Esprit Suprême, au-delà ni au-dessus duquel rien ne se trouve. C’est de cet Arbre Béni que débute l’accès aux Secrets de l’Essence divine. Et c’est sous cet Arbre que débutent les théophanies des différents degrés spirituels selon les sept cieux. Lorsque nous évoquons les sept cieux, nous nous référons à l’horizon du ciel du cœur dans lequel est apparue et s’est manifestée la Lumière originelle, qui s’est ensuite rapprochée selon les différents degrés successifs du ciel correspondant à ton état, sous des théophanies aussi diverses que variées.

Le faqîr Suhayl va maintenant nous raconter la mouchâhada qu’il a reçu à ce sujet :
« J’ai vu le Nom « Allâh » au cours de mon dhikr. Le hâ’ et tout ce qui se trouvait autour de lui était noir, simplement en son centre se trouvait un soukoûn de Lumière. Puis je vis le lâm al-qabd divisé en deux : la partie de gauche entièrement noire, et la partie de droite entièrement de Lumière. Au niveau de la partie supérieure du lâm al-qabd, les deux parties étaient réunies par une Etoile de Lumière. Sayidi Shaykh (quddisa sirruh) vint alors et trancha le lâm en deux de manière totale, détruisant ce lien établi par l’Etoile entre les deux parties. Il me fut alors inspiré que la partie gauche (l’arc de cercle) du lâm ténébreux était liée au mourid, tandis que la partie droite était liée au Shaykh. »

tafsir-najm

Donc cet arc-de-cercle (de droite) est le miroir du disciple. Et il n’incombe à l’aspirant que d’y voir le reflet de sa propre âme. Et plus ta Réunion (jam’) sera vaste, plus ton miroir du lâm al-qabd sera grand. Ainsi, si tu réalises la Réunion du premier ciel, ton miroir du lâm al-qabd sera en conséquence de ta Réunion, et si tu réalises la Réunion du premier et du deuxième ciel, ton miroir du lâm al-qabd sera à la mesure des deux ciels réunis. Donc ton degré dans le lâm al-qabd dépend du niveau de ton horizon. Ainsi, lorsque le disciple entre en khalwa, il entre avec l’intention de réaliser la Réunion des sept cieux, des sept terres, du Kursi et du ‘Arch. Cependant, malgré son intention, il ne peut pas les réunir dans leur totalité absolue… Plutôt, la Réunion accomplie est à la mesure du degré d’ascension de son Esprit. Et c’est donc dans le lâm al-qabd que la réalité de sa nature est complètement dévoilée. C’est comme si par exemple tu étais petit de taille, et que l’on te plaçait devant un grand miroir : tu t’y verras sous ta réalité, c’est-à-dire petit. Et si tu es grand, tu t’y verras grand. Voilà pourquoi sayiduna ibn ‘Ata Allâh al-Iskandari (radiAllâhu ‘anhu) dit dans ses Hikam : « Celui dont le début est scintillant, sa fin sera de même scintillante » c’est-à-dire que celui qui dès le début était ma sha’a Allâh dans les efforts dans la Voie, évidement sa fin sera encore plus grande et plus vaste. Quant à celui qui dès le début était nonchalant et désintéressé, celui-là le miroir ne va pas venir et le grandir ! Non, il ne pourra rien voir d’autre que ce que son cœur aura pu réunir. Et il en est de même au Jour du Jugement : tu présenteras l’ensemble de toutes tes actions que tu soumettras à la Balance de la Justice divine. Et à ce moment-là, tu ne pourras compter que sur tes propres actions, en aucun cas tu ne pourras prendre des actions de tes amis, de ta femme, ou de qui que ce soit. Si tu as beaucoup agi, tu présenteras beaucoup d’actions, et si tu as fait peu, tu en présenteras peu. Tel est l’arc-de-cercle du lâm. C’est différent du hâ’, dans lequel tu t’imagines avoir réuni et limité ce qui était absolu et illimité… mais lorsque je te demande de me montrer quelle part de l’absolu tu as pu limiter, tu t’en trouves incapable. Tu me dis : « J’ai confiné toute chose. » Et je te réponds que l’absolu n’a ni début ni fin, alors comment toi tu as pu le confiner et le limiter ? En réalité, tu ne peux pas le cerner dans sa totalité. Donc par la parole, tu dis qu’effectivement tu as confiné l’absolu… mais lorsque tu présentes ce que tu as confiné devant le miroir, tu le trouves en réalité infinie. Donc c’est ton anneau qui est en réalité petit et infime. Cela, le Messager d’Allâh ﷺ s’y référa lorsqu’il nous informa qu’il était le premier et le dernier des Prophètes… pour comprendre cela, tu te dois de transcender la vision corporelle du Prophète ﷺ tu ne dois plus considérer que le maqâm de la Noubouwa. Alors qu’est-ce que cela signifie ? C’est que l’arc-de-cercle de sayidina al-Mustafa ﷺ est le plus grand de tous, s’il le voyait dans le miroir… de sorte qu’il ne vit nul être le précéder vers le reflet dans le miroir, sans constater qu’il ne s’agissait que d’une partie de son propre arc-de-cercle. Regarde donc toi-même ce que tu as acquis de l’arc-de-cercle de la Wilâya. Si tu as pris peu, un autre Waliy viendra te voir et te dira que ton degré est moindre que le sien, et que tu dois de ce fait te placer sous son pied et te conformer à son exemple. Et si un troisième Waliy venait avec un arc-de-cercle plus grand encore, le deuxième devrait se soumettre à lui, et ainsi de suite. Voilà la raison pour laquelle notre Seigneur –subhânahu wa ta’ala– fit les cieux de telle sorte qu’ils se présentent comme différent degrés, donc comme s’il s’agissait en réalité de sept arc-de-cercle. Sept arc-de-cercle pour les sept cieux, et sept arc-de-cercle pour les sept terres, afin que chaque arc soufli de terre vienne compléter l’arc ‘olwi du ciel correspondant. Et c’est là exactement ce qu’il t’incombe de réaliser : tu dois réunir l’arc terrestre de l’ensemble de ton savoir et l’opposer à l’arc céleste Réel et Véritable. Et lorsque tu auras trouvé cet arc céleste, tu te devras de lui retourner le mérite de tout ce que tu auras acquis jusque-là. Parce que si tu t’imagines que tout ceci provient de ton propre arc-de-cercle et que le mérite te revient entièrement, tu auras alors renié la Vérité et tu demeureras prisonnier du hâ’ al-hawiya sans pouvoir l’ouvrir et parvenir au lâm al-qabd. Si au contraire tu retournes le dépôt (amâna) à qui de droit, alors ton hâ’ s’ouvrira et tu demeureras non plus avec le hâ’ al-hawiya, mais simplement avec son arc-de-cercle.

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