La prosternation des anges

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La prosternation des anges

Résumé de l’assise du 26 Janvier 2018 / Jumu’a 8 Jumada al-ola 1439 [Partie1] :

Après avoir parlé, dans les cours précédents, du moustaqarr de la Wilâya, nous revenons à notre série de cours qui traitera cette fois du réceptacle (moustaqarr) de la Noubouwa.

Parmi ceux qui parlent, il en est un qui a dit que le Shaykh avait décrit le Alif, or le Alif est indicateur de l’Exclusivité (Ahadiya) du Créateur, et l’être humain est absolument incapable de le décrire, de le représenter, ou de ne serait-ce que l’indiquer. Pour répondre à cela, je dis que si je parle du Alif… le Créateur l’a décrit avant que toi-même tu ne le fasses ! Il en a fait un trait droit, par lequel est prononcé Son Nom, indicateur de Son Essence. Ainsi, si le Nom est écrit, il est écrit avec un Alif, deux lâm et un hâ’. Et si ce Alif n’avait pas de forme ni de représentation possible, alors il faudrait le supprimer entièrement. Et si tu renies son existence, alors ton cheminement dans la Lecture du Nom est et demeure cantonnée à « lillâh / لله ». Or, si tu fais partie des gens de « lillâh », tu te dois de faire abstraction de la forme apparente et créée, pour t’effacer et disparaître entièrement dans le Secret de l’Esprit. A ce moment-là, il sera accepté de toi que tu ne décrives ni ne donnes d’indication. Mais étant donné que tu es un être créé et fini, que tu donnes des indications et des exemples d’analogie… sache que ce Alif peut être décrit, qu’on peut lui donner une forme et le représenter, et qu’il indique Son Essence ﷻ… bien que le Alif soit renvoyé à une lettre, et que de toute évidence le Seigneur ne soit pas Connu par une lettre. De même que l’adoration ne se fait pas à la lettre… mais plutôt, il s’agit d’atteindre la Haqiqa de la Lettre, si toutefois tu es de ceux qui comprennent le sens profond de la Lettre. Ça, c’est ta compréhension à toi… mais à partir du moment où le Nom divin peut être écrit, et à partir du moment où le Coran est l’Attribut de Parole du Créateur ﷻ, qu’il est descendu et qu’il a pris forme sous un ensemble de 28 Lettres… alors ces 28 lettres, unies d’une certaine manière, sont et constituent la Parole du Seigneur ﷻ. Quant à nous, nous savons pertinemment que Sa Parole est prééternelle et incréée, qu’elle ne saurait être décrite ni indiquée, qu’elle n’est pas composée de lettres ni d’inscriptions quelles qu’elles soient. Mais le Créateur nous a autorisé cette analogie, cet exemple donné, afin que nous soyons à mêmes d’appréhender la descente de Ses Attributs, selon ce que nos intellects sont capables de concevoir.

Donc pour débuter ce second cours, après cette petite mise au point, nous traitons du moustaqarr de la Noubouwa par le lâm al-‘ishq, et non plus par le hâ’ al-hawiya, comme nous l’avions précisé dans le cours précédent.

Nous allons pour commencer mentionner un verset, un verset sur lequel nous reviendrons beaucoup dans les cours à venir. Et plus ce verset sera l’objet de tafsirs, plus s’élargira la compréhension de ce moustaqarr. Allâh ﷻ dit : « lorsque Je l’aurai façonné et lui aurai insufflé de Mon Esprit, jetez-vous alors prosternés devant lui. Tous les anges se prosternèrent alors, tous ensembles, excepté Iblis, qui refusa d’être avec les prosternés. » [s15.v29/31] En vérité, le rabaissement et l’humiliation de soi-même pour un être de la même espèce que nous, ou pour un être d’espèce inférieure à la nôtre, c’est quelque chose de très difficile, pour toutes les nafs. La nafs ne peut pas se soumettre à un être de même nature qu’elle. Elle peut éventuellement se soumettre à un être d’une autre espèce, un ange par exemple, ou bien un djinn… mais elle n’accepte pas de se soumettre à un être humain comme elle. Ceci concerne les nafs qui sont submergées par le monde physique et sensoriel, le monde des formes apparentes. Pour elles, ce cheminement est extrêmement difficile, cet effacement des formes apparentes, cette humiliation de soi-même jusqu’à parvenir à s’oublier totalement elle-même et atteindre ainsi la Connaissance de Celui qui demeure ﷻ. Cela se révèle difficile pour toute nafs dont la considération physique du monde prévaut sur sa considération subtile et ésotérique, c’est-à-dire la Haqîqa. Et toujours, lorsque nous évoquons ainsi le sens profond des choses, nous nous référons à la Haqîqa, soit ce qu’il y a au-delà des apparences créées. Quant à celui qui ne voit et ne perçoit que d’une vue de distinction (farq), il éprouve toujours de la difficulté à retourner au sens profond.

Lorsque, depuis la porte du moustaqarr de la Noubouwa, je vous parle de la considération par distinction (farq), je ne me réfère pas à une sortie quelconque de ton propre corps. C’est pourquoi j’explique dans un poème que tu dois craindre la sortie de ta propre tombe, parce que si tu sors de ta tombe, tu deviens une fitna pour autrui. Ne sors donc jamais de ton enveloppe corporelle, et fais en sorte de toujours rester dans un état de surveillance de tout ton être : tes mains, ton ouïe, ta vue, ta langue et tes pieds. C’est cela, ton farq. Ce n’est plus comme auparavant, lorsque nous étions dans le hâ’ al-hawiya, et que nous disions que le farq constitue l’ensemble des choses créées qui te cernent : les formes des créatures, le ciel, la terre, les arbres etc. Maintenant non, c’est différent. Maintenant, ton farq c’est toi-même. Toi, ta nature humaine constitutive, c’est toi-même qui est un farq, car en toi se trouve quelque chose de réunissant (jam’) : le Souffle de l’Esprit. Tu es donc, tout ton toi, un farq. Et si ce farq te submerge et prévaut sur toi même, tu te vois incapable de te soumettre à une forme apparente similaire à la tienne…

Et pourtant le Hadîth nous dit bien que « le croyant est le miroir de son frère ». Mais toi, encore une fois, tu as été submergé par la forme apparente, et tu t’es imaginé être quelque chose de grandiose. Tu t’imagines être le numéro un dans le domaine de l’ouïe, dans le domaine de la parole, dans ce que sont capables de faire tes mains, ou dans ce par quoi tes pieds bougent… et de là, évidemment, tu as méprisé autrui, tu t’es gonflé d’orgueil au-dessus des autres, et tu es devenu du nombre de ceux qui se sont laissés tromper par eux-mêmes (talabbasa)…

De ce point de vue-ci, il n’y a pas de mal à te désigner comme étant Iblis. Nous pouvons le dire par la langue de la précision profonde et ésotérique (tahqîq), et non pas du point de vue premier qui est celui des actes, car à ce moment-là pour pouvoir affirmer une telle chose il faudrait considérer et juger sur l’ensemble de tes actes. Mais pour l’instant, dans le degré depuis lequel nous parlons, pour éviter que tout ne soit mélangé, et pour t’éviter de m’attribuer des propos hors sujet, nous parlons ici d’autre chose… nous ne parlons pas de la forme apparente. Nous ne parlons que de toi-même, vis-à-vis et par rapport à toi-même. Toi-même, sans considération d’autrui.

Donc nous disions que celui dont la considération du monde demeure cantonnée au farq, celui-là éprouve de grandes difficultés à retourner au sens profond et caché des choses. Car il est toujours rattaché à la forme physique… mais en même temps, son cas est très simple. Deux parfaits opposés réunis en un même état.

Celui qui demeure avec la forme apparente, son cas est difficile. Mais celui dont Allâh a réduit à néant sa forme apparente, c’est-à-dire sa montagne… de même que fut réduite à néant la montagne de Moussa (‘alayhi s-salâm)… celui-là ne peut que tomber foudroyé, et il ne voit dès lors pour lui-même plus aucune existence. C’est dans cette mesure que la chose devient facile pour lui, parce que à ce moment-là, c’est le sens profond qui submerge le sens physique. Il ne voit plus ces créatures finies, confinées dans le temps et l’espace, mais uniquement des Lumières jaillissant de l’Océan du Jabaroûte. Pour celui-là, la résignation et la soumission n’est pas difficile, parce qu’il ne conçoit alors l’ensemble de toutes les créatures que par Allâh, sans existence propre à elles-mêmes en dehors d’Allâh. Dès lors, son rabaissement, sa soumission et son humiliation pour ces choses créées n’est plus qu’une humiliation pour le Créateur ﷻ.

En ce sens, le Hadîth Prophétique nous dit : « Celui qui ne remercie pas les gens, ne remercie pas Allâh ». Evidemment toi, conformément à ce que te dicte ton intellect, lorsque tu veux remercier Allâh, comment t’y prends-tu ?
Tu te tournes vers la Qibla, tu lèves tes mains, et tu répètes abondamment « alhamdulillah wa chukrulillah ».
Alors que non… sayiduna al-Mustafa ﷺ te dit, depuis le moustaqarr de la Noubouwa, que tu dois remercier les gens, parce que ton remerciement des gens, c’est ton remerciement du Créateur ﷻ. Et qu’est-ce que cela veut dire, le fait que ton remerciement des gens soit ton remerciement du Créateur ﷻ ?
Cela veut dire que tu dois t’efforcer jusqu’à voir et percevoir cet Esprit fluant dans cette personne. C’est à ce moment-là que tu seras en mesure de le remercier, parce que tu ne le considèreras dès lors plus que comme un Message te parvenant de ton Seigneur, tu le verras comme un signe et une marque du Créateur ﷻ. Tu ne le verras plus lui en tant que personne, et tu ne considéreras plus le bien qu’il te transmet comme procédant de lui-même… mais plutôt, tu diras que ce bienfait, c’est le Créateur qui te l’a envoyé, par l’intermédiaire d’untel ou d’unetelle, par l’intermédiaire d’un arbre, par l’intermédiaire d’une pierre, ou par l’intermédiaire d’un animal… ceci selon l’étendue de ton cercle de perception.

C’est exactement cela qu’il s’est produit pour les anges, afin que cela soit pour nous une leçon de laquelle nous profitions. Ils ont vu Adam (‘alayhi s-salâm) comme étant la Qibla de la Présence Sanctifiée, après qu’Il l’ait façonné et qu’Il ait insufflé en lui de Son Esprit. Les anges ne l’ont pas perçu comme on perçoit une statue ou une idole, mais bien comme étant une Qibla, une indication, un symbole, une porte… une porte vers quoi ?
Une porte d’entrée en Présence Sanctifiée. La contemplation des sens ésotériques et profonds les a submergés, ils n’ont plus vu ce qu’ils voyaient de la forme corporelle apparente et créée. Ils ne s’en sont pas tenus à cette apparence créée et confinée dans le temps et l’espace, et c’est ainsi qu’ils se sont soumis en apparence à Adam, mais en vérité à Allâh.

Si tu les avais vus dans une considération purement physique et apparente, tu aurais dit qu’ils se sont prosternés devant Adam. Mais si tu les avais vus dans une considération purement spirituelle, entièrement détournée de toute conception par le farq et en retournant au jam’, alors tu aurais dit qu’ils étaient prosternés devant Allâh ﷻ. De même, en apparence et conformément à la considération du farq, nous nous prosternons devant la Ka’ba… alors que notre prosternation n’est qu’une prosternation pour Allâh ﷻ.

Evidemment quand il s’agit de la Ka’ba, pour toi c’est facile, parce que tu t’es laissé submerger par les coutumes et les notions de ce qui est communément admis. Tu es habitué à cela, tu as vu ton père et ton grand-père se conformer à cela, c’est quelque chose de normal, et personne n’irait jamais dire que le musulman se prosterne pour la Ka’ba. Notre prosternation est évidemment une prosternation pour Allâh ﷻ.

Et puis vient ce verset, qui te laisse complètement abasourdi quand tu y penses, et qui dit : « Où que vous vous tourniez, là se trouve la Face d’Allâh » [s2.v115]. Apporte-nous la preuve du fait que tu es entièrement et véritablement évanoui dans la Présence Sanctifiée, et dès lors tu auras parfaitement le droit de te prosterner dans toutes les directions. Ceci, nous le retrouvons bien dans la chari’a : si tu ne trouves pas la direction de la Qibla, tu te diriges dans la direction qu’il te plait. Et cette direction que tu prends alors devient une direction vers l’Est, quand bien-même tu ferais face au Sud ou à l’Ouest… Mais cela n’est valable que dans le cas où tu aurais perdu toute notion de direction !

Et que veut dire le fait de perdre toute notion de direction ?
C’est comme si ces directions t’avaient été effacées, et qu’il ne te restait plus ni droite ni gauche, ni orient ni occident. C’est alors que tu deviens véritablement « un Arbre béni, un Olivier ni oriental ni occidental » [s24.v35], et c’est seulement à partir de là que tu peux légitimement dire : « Où que vous vous tourniez, là se trouve la Face d’Allâh ». Si en revanche tu demeures cantonné aux contingences confinées dans le domaine spatio-temporel, te permettant d’avoir la notion de droite, gauche, devant et derrière, alors tu n’as pas le droit de faire cela.

Voilà pourquoi, si tu venais à parler de la langue des gens du ravissement spirituel (jadhb), tes paroles seraient effectivement les leurs… tandis que ton cœur n’aurait vraiment rien de leurs cœurs. Tu deviendrais de ce fait, vis-à-vis d’eux, du nombre des hypocrites. Surveille donc et considère attentivement ton état, jusqu’à disparaître véritablement et te fondre entièrement dans ce modèle de réalisation.

Nous disions donc que les anges se sont soumis en apparence à Adam, et en Vérité à Allâh. Quant à celui qui s’en est tenu aux apparences et qui s’est laissé tromper par elles, sans voir ce que ces apparences portaient en terme de Secrets… il fut voilé du jam’ par le farq. Il ne voyait plus rien d’autre que le monde physique, il fut privé de la prosternation, et c’est pour cette raison qu’il reçut le nom de Iblis. C’est donc comme si, si nous faisions une analogie depuis le moustaqarr de la Noubouwa, celui pour qui les directions n’ont pas été effacées serait désigné comme étant lui-même Iblis.

Dans son invocation en allant à la mosquée, que nous dit sayiduna al-Mustafa ﷺ ?
« Ô Allâh, met pour moi de la Lumière dans mon cœur, et de la Lumière dans ma tombe, et de la Lumière devant moi, et de la Lumière derrière moi, et de la Lumière à ma droite, et de la Lumière à ma gauche, et de la Lumière au-dessus de moi, et de la Lumière en dessous de moi… »
C’est-à-dire que c’est comme si tu devenais toi-même un Secret, dans une Niche (michkâte) Lumineuse. Puis il ajouta à cela en disant : « …et dans mon ouïe de la Lumière, et dans ma vue de la Lumière, et dans mes poils de la Lumière, et dans ma peau de la Lumière, et dans ma chair de la Lumière, et dans mon sang de la Lumière, et dans mes os de la Lumière. Ô Allâh grandis pour moi la Lumière, donne-moi de la Lumière, et fais de moi une Lumière. » [Sunan at-Tirmidhiy]

Il était donc véritablement une Lampe (misbâh), il était véritablement Lumière… et surtout, il ne demeurait plus aucune forme de lui-même. Il était un flambeau illuminant (sirâjan mounîran), de sorte que celui qui fut du degré spirituel de l’ascension le vit effectivement comme un flambeau. Et ceux qui le décrivirent selon une vision intérieure dirent qu’il était « comme une Lune lorsqu’elle est pleine ». Certains ont même affirmé avoir mis leurs mains devant leurs yeux, de peur d’en perdre la vue.[1]

Donc toutes ces descriptions que nous rapporte la Sîra, ce sont des descriptions réelles, concrètes, des choses qui furent vraiment vues et vécues, ce ne sont pas des paroles métaphoriques comme nous pouvons nous l’imaginer. Dès lors, il ne fut pas trompé par lui-même, et nul d’entre ceux qui le virent de cette manière ne fut trompé. Quant à celui qui en sera resté à l’apparence, s’il se résigne malgré tout et se conforme au suivi, il demeure un privilégié… mais s’il laisse sa nafs lui insuffler ses pensées, il devient alors celui qu’on désigne par Abou Jahl. Pourquoi, simplement parce qu’il s’en est tenu à la forme corporelle et apparente, cette forme qu’il a rabaissé et méprisé.

C’est pour cette raison que, lorsqu’un Waliy apparaît, qui sont toujours ses ennemis ?
Ce sont ceux qui étaient auparavant proches de lui, sa famille au sens large. Pourquoi ? Parce que la forme corporelle les a submergés.
Si par contre ils étaient allés à la rencontre d’un Waliy complètement étranger à eux, alors ils auraient perçu le moindre de ses gestes comme quelque chose d’extraordinaire, parce que à ce moment-là la forme corporelle ne les aurait pas voilés. Quant à celui qui a vécu avec le Waliy pendant son enfance, celui qui a joué avec lui dans la boue… celui-là ne peut être que voilé par sa vision de la forme apparente.

Ceci dit, c’est exactement la même chose avec toi-même ! Depuis tout petit, tu es habitué aux sens physiques, au toucher, etc. c’est ça que tu as appris ! Et aujourd’hui que nous sommes entrés dans l’ascension spirituelle, tu nous as renié. Le problème n’est pas en nous, mais plutôt il est dans ta pensée et ton suivi aveugle de tes habitudes. Ta vie toute entière, tu l’as passée à croire en la matière et en la chose créée… et tu n’as pas foi en la Capacité (qudra) du Créateur, qui donne le mouvement à la chose créée. Parce que ta foi en cet Attribut de Capacité n’est qu’une foi par information reçue (khabar) : lorsqu’on te demande ce qu’est la foi (al-Imân), tu descends ceci sur ta langue et tu viens nous dire qu’il s’agit de croire en Allâh, en ses anges, en ses livres, en ses messagers… effectivement, nous sommes bien d’accords ! Le problème c’est que toi, tu n’as jamais fait que mémoriser une expression permettant de désigner al-Imân. Alors à partir de là, qu’est-ce qu’on va pouvoir te dire ?
Bravo, 10/10 ! Effectivement, al-Imân c’est de croire en Allâh… mais toi, ta foi en Allâh tu l’as pris par suivi (taqlîd). Tu n’es pas parvenu à la ma’rifa d’Allâh, Sa Connaissance véritable, de sorte que ton Imân soit ferme. C’est pourquoi Allâh ﷻ nous dit : « Les bédouins dirent : Nous avons la foi ! Dis : Vous n’avez pas encore la foi. Dites plutôt : Nous nous sommes soumis, car la foi n’a pas encore pénétré dans vos cœurs. » [s49.v14] Nous voyons ici que la foi entre… comme s’il s’agissait d’un homme… ou comme s’il s’agissait d’une chose… Si la foi était vraiment entrée dans ton cœur, alors tu aurais véritablement réalisé cet état d’effacement, ce lien et cette certitude absolue dans la ma’rifa du Créateur ﷻ.

Sayiduna ibn ‘Abbâs rapporte ainsi un Hadîth Prophétique qui dit que « La foi est une Lumière que Allâh projette dans le cœur de Son serviteur mou’min »… et il n’a pas été dit que Allâh la projetait dans le cœur de Son serviteur mouslim. Pourquoi cela ?
Parce que le mou’min (le croyant), c’est celui qu’elle a façonné. C’est celui qui est établi dans cet état d’élévation spirituelle, conformément au Hadîth Prophétique :
Selon Abou Hourayra, le Messager d’Allâh a dit : « La foi (al-Imân) est de soixante-dix et quelques sentiers. Le plus élevé d’entre eux est « lâ ilâha illa Allâh », tandis que le moindre est le fait d’enlever ce qui s’y dresse comme obstacle. » [Unanimement reconnu authentique]

Ici, il ne s’agit pas de mémorisation… bien sûr que non !
L’Homme des sentiers de la foi a atteint un état de maîtrise et de parfaite connaissance des particularités de ces sentiers, grâce auxquels il a pu ausculter sa nafs jusque dans les moindres recoins… jusqu’à disparaître et s’effacer dans soixante-dix degrés, et devenir lui-même les sentiers de la foi ! Nous ne le percevons dès lors plus comme Abdullah ou Idris ou AbdelQader. Non, nous ne voyons plus en lui que les sentiers de la foi. Et c’est à ce moment-là que Allâh fait entrer la Lumière de la foi dans son cœur… Parce qu’il s’est façonné lui-même en se conformant, en fournissant des efforts sur sa main, sur sa vue, sur son ouïe et sur sa langue… retourne donc au Hadîth du Waliy !
« Mon serviteur n’a de cesse de se rapprocher de Moi par des nâfila… » Il s’agit bien ici de se rapprocher, par les actes surérogatoires (nâfila), ou autrement dit : il s’agit du façonnage du corps. Car, que sont les nâfila, dans ce Hadîth ?
C’est la prière, l’aumône, la visite des proches, etc. C’est-à-dire que ce sont des sentiers. Si tu les empruntes et fournis des efforts, dans le simple But d’atteindre la Proximité du Créateur ﷻ, qu’est-ce que tu vas obtenir ? Comment va devenir ta foi ?
Ton Imân ne va plus se restreindre à une parole que tu prononces de ta bouche, non ! Plutôt, ton ouïe deviendra l’ouïe du Créateur, ta vue la vue du Créateur, ta langue la langue du Créateur, ta main la main du Créateur, ton pied le pied du Créateur, et tu te seras alors pleinement éteint en Lui.

Et que veut dire s’éteindre en Lui (Huw) ?
Cela veut dire que tu te seras façonné et parfaitement conformé à Son khuluq, de sorte que ta manière d’être (khuluq) sera celle de al-Rahmân.

Ou bien, dit autrement, lorsqu’il fut demandé à sayidatina ‘Aicha (radiAllâhu ‘anha) comment était le Messager d’Allâh ﷺ elle répondit : « Il était un Coran qui marche ». Toi, tu as un mushaf inerte… tandis que notre mère ‘Aicha avait un mushaf qui marche : le Messager d’Allâh ﷺ.

Comment dois-tu donc être, toi ?
Nous ne pouvons évidemment pas attester de toi, ni toi attester de toi-même en ton for-intérieur, que tu es effectivement un Coran qui marche… mais par contre, tu peux attester du fait que tu es un verset qui marche. Parce que le Messager d’Allâh ﷺ nous dit : « Transmettez de moi ne serait-ce qu’un verset » [Rapporté par al-Boukhâriy].
Tu es donc parfaitement en mesure de transmettre un verset d’entre les versets de sayidina al-Mustafa ﷺ. Et si tu fonds et disparais dans la Sunna du Prophète, tu deviens alors une Sunna qui marche… c’est cela, al-Imân.

C’est-à-dire qu’il ne nous reste alors plus rien de cette enveloppe apparente. Ainsi, à partir du moment où nous parlons de al-Imân, oublie ta jellaba, ta raison et ton corps. Ça, tu les laisses chez toi. Et si tu restes attaché, si tu aimes ta main, les traits de ton visage, si tu aimes tes pensées, etc… c’est que tu te trouves encore dans l’état de confinement au sein des actes, et donc que tu en es toujours au degré de al-Islâm. Dès lors, œuvre et fournis des efforts dans la prière physique, jeûne et endure la faim, dépense ton argent en aumônes… jusqu’à ce que ta chahâda devienne mouchâhada, jusqu’à ce que ta salât devienne silat (lien), jusqu’à ce que ta zakât devienne « Allâh purifie (zakât) qui Il veut » [s4.v49]… c’est-à-dire jusqu’à ce que le Nom Allâh te purifie, jusqu’à ce que te purifient le Alif, les deux lâm et le hâ’. C’est de cette manière que tu seras retourné à la Présence Sanctifiée.

C’est pour cela que la chose fut simple pour les anges : ils n’ont pas de passions charnelles. Ils n’ont pas les passions du ventre, l’envie de manger ou d’avoir des relations sexuelles… la chose leur est facile, parce qu’ils ne s’arrêtent pas du tout à la forme apparente. Iblîs par contre, il est toujours habité par elles. Parce que c’est un djinn, fait de feu, or le djinn s’accouple, il mange et il boit… il est donc confiné à la forme apparente, et c’est pour cela qu’il s’est fourvoyé. Les anges eux, ils sont dans un haut degré d’élévation, les choses ne peuvent pas se mêler et les tromper comme ce fut le cas pour Iblis. C’est ainsi qu’ils finirent par se jeter et se prosterner devant la Présence Sanctifiée (al-Hadra al-Aqdassiya).

Ce corps, cette forme apparente doit donc se prosterner, d’une prosternation totale et parfaite, devant l’esprit. Et si tu es capable de te prosterner entièrement devant l’esprit, alors tu commenceras à voyager… et tu ne t’établiras que dans le réceptacle de la nouvelle (moustaqarr al-naba’), d’où tu ramèneras une nouvelle extraordinaire (naba’ ‘adhîm).


[1] Il s’agit ici du récit du compagnon Hassân ibn Thâbit (radiAllâhu ‘anhu), à qui les Qoraychits donnèrent une somme d’argent (avant qu’il ne rentre dans l’Islâm) afin qu’il compose un poème fort dans lequel il diffamerait et calomnierait le Messager d’Allâh ﷺ. Hassân patienta donc sur une coline en attendant le passage du Prophète ﷺ afin de voir en lui une caractéristique qu’il pourrait prendre en raillerie. Et lorsque le Bien-Aimé passa, Hassân l’observa et retourna vers les Qoraychites en disant : « Tenez, reprenez votre argent je n’en veux pas, quant à celui que vous vouliez que je prenne en raillerie… Oh Allâh sois témoin que j’atteste qu’il est Ton Messager… » Les Qoraychites dirent alors : « Que t’est-il arrivé !? Ce n’est pas pour cela que nous t’avons envoyé !!!» Il leur répondit alors par ce poème :

Lorsque j’ai vu ses Lumières resplendissantes,
de peur je plaçais mes mains devant mes yeux,
Craignant que sa splendeur n’emporte ma vue,
Car je ne peux le regarder au-delà de ma capacité.
Un esprit de Lumière dans un corps de lune,
Tel un vêtement précieux brodé d’étoiles.

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