Al-Insân al-Kâmil : Source de la Vie Eternelle

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Al-Insân al-Kâmil : Source de la Vie Eternelle

Résumé de l’assise du 7 octobre 2016
Jumu’a 6 Muharram 1438

Nous revenons à la Hadra du lâm al-qabd, avec ce cours qui se voudra être le premier cours par le lâm al-ma’rifa, que nous désignerons comme étant un aperçu de ce que l’on appelle as-Sahq, soit le fait d’être pulvérisé, réduit en poussière… ce qui correspondra donc au dixième Secret. Après que nous ayons connu le lâm au travers du neuvième Secret en sa qualité de Poignée de Lumière relevant exclusivement de l’Esprit, associée à celui qui sera parvenu et aura perçu ce flux spirituel, nous parlerons donc de ce qui suit : la pulvérisation totale du cheminant dans le miroir de son être véritable, de sorte qu’il ne demeure plus d’Existence que pour le miroir du Vrai ﷻ. C’est alors qu’on considérera que le suiveur (ma’moûm) se sera uni à l’Imâm, et qu’il aura alors accompli la prière exigée par sayidina al-Mustafa ﷺ, conformément au Hadîth : « Priez comme vous m’avez vu prier ».

Ce lâm, que nous appelons lâm al-qabd (le lâm du saisissement) n’est en réalité que le lâm al-‘ishq (le lâm du désir ardent), car le cheminant ne pourra en aucun cas parvenir à la pulvérisation (sahq) sans pleinement réaliser ce désir ardent et par ce dernier parvenir à la Connaissance d’Allâh ﷻ. C’est ainsi qu’il pourra se débarrasser des considérations de son apparence et de son être, pour ne plus demeurer qu’avec l’Esprit de son Seigneur. C’est ce qu’on appelle la Vie éternelle. Une vie perpétuelle, à laquelle aucune autre forme de vie ne ressemble. Quant à la vie qui est la nôtre actuellement, ce n’est rien d’autre qu’une vie périssable, une vie matérielle à la durée limitée, qui a un début et une fin bien déterminés… contrairement à la Vie éternelle qui elle n’a ni début, ni fin.

Nous revenons donc et nous parlons de ce sujet… cela dit, comprenez bien que nos paroles ne doivent pas être perçues depuis les considérations grotesques des tombeaux que sont nos enveloppes charnelles. Afin de percevoir les flux spirituels de ce discours, il faudra au contraire se débarrasser de toute perception physique et illusoire de ce qui est éphémère, et ne plus se baser que sur la pureté de l’Esprit transcendant toute contingence matérielle. Et si au contraire l’auditoire demeure confiné à sa perception du monde physique, alors il ne pourra en aucun cas parvenir à l’état de Présence spirituelle que nous évoquerons ici… et même s’il est de ceux qui « comprennent » les paroles des soufis, ces mots ne resteront pour lui que des mots, et les sens profonds de ces derniers lui demeureront étrangers.

Nous disons donc que la Vie se divise en deux catégories : la persistance (baqa) et l’anéantissement (fana). La persistance est la Vie primordiale, la Vie qui existencie la Réalité pour elle-même, la Vie que la mort ne peut atteindre et qui demeure perpétuelle et pérenne : la Vie d’Allâh ﷻ. Il s’agit d’une expression désignant l’Existence absolue et illimitée, qui n’a ni commencement, ni fin. La pensée est incapable de la saisir, pas plus que la compréhension, ni le savoir, ni l’allusion… et tout ce que peut concevoir l’être humain : elle en est différente. C’est ce que nous avons désigné comme étant l’expansion (fatq) première de ce qui à l’origine était néant, faisant ainsi apparaître la persistance (baqa) de ce néant… bien que paradoxalement il ne soit finalement que néant, dépourvu de tout existence.

Allâh ﷻ dit : « Ceux qui ont apostasié (kafara) n’ont-ils pas vu que les cieux et la terre formaient une masse compacte (ratq) ? Ensuite Nous les avons séparés (fatq) et fait de l’eau toute chose vivante. Ne croiront-ils donc pas ? » [s21.v30]
Si l’on considère le sens apparent de ce verset, nombreux sont ceux qui ont traité le sujet et ont dit qu’à l’origine l’univers était un Point… d’autres, au degré de connaissance scientifique plus élevé et plus pointu ont affirmé que l’origine de l’univers était en réalité semblable à un disque, car le Point ne peut demeurer tel quel sans exploser… On lui attribue donc une spatialité que l’on désignera comme étant un disque, ou bien une Hadra… chacun conformément à son degré de compréhension. Tous ont raison en ce qu’ils affirment, et nous ne contredisons aucun d’entre eux. Si quelqu’un dit que l’origine de l’univers est un Point, il lui attribue effectivement la description de son apparence première. Et s’il lui attribue une forme, comme un disque, ou bien un espace confiné dans un corps donné, que l’être humain serait en mesure de saisir et d’observer… nous lui répondons que ses mots sont justes, en vertu du Hadîth qudsî : « Je pris une Poignée de Ma Lumière et lui dis : « Sois Muhammad ! » ».
Il existe un autre avis encore, qui décrirait l’origine de l’univers comme étant la réunion des angles d’un triangle, et à lui aussi nous confirmons la véracité de son propos, en vertu du fait que, dans le monde du Malakoûte, la Basmala est lue sous trois angles différents : début, milieu et fin. Donc quelle que soit la théorie avancée, ces trois théories sont avérées et ne font qu’exprimer le degré atteint par chacun dans sa connaissance du sujet.

Quant à nous, nous disons pour tafsîr de ce verset :
« Ceux qui ont apostasié (kafara) n’ont-ils pas vu », il s’agit ici de ceux qui ont renié, qui ont occulté la pensée, qui n’ont pas prêté foi à l’évidence de la manifestation du Signe divin… ceux qui n’ont pas cru en le fait que ces cieux et cette terre étaient jadis compactes (ratq), soit autrement dit durs, secs… morts ! Morts d’ignorance ! Puis, Nous les avons séparés (fatq), c’est-à-dire les cieux englobant tout ce qui est noble et élevé d’une part, et d’autre part la terre de la nafs vile et des passions charnelles… et « Nous les avons séparés » par les Sciences ésotériques et par le Tawhîd. Si l’on considère ce verset du point de vue de l’éducation spirituelle (tarbiya), c’est de cette manière qu’on le comprendra. Nous désignons par les cieux tout ce que le cœur peut contenir de céleste, c’est-à-dire tout ce qui fut élevé et ce par quoi fut établi le lien avec le Seigneur. Et nous appelons terre tout ce que comprend la nafs en terme de descente et d’attachement aux passions viles, de suivi systématique de tout appétit charnel, et de conformité à ce qui est communément admis. Toutes ces tendances humaines, Allâh ﷻ les a séparées, « et Il fit de l’eau toute chose vivante ». C’est la raison pour laquelle certaines âmes sont mortes, dures, sèches, dépourvues de toute forme de vie… Et si malgré la réalité de leur état, les concernés contestent cela, Allâh ﷻ leur répond clairement et sans équivoque… Tous ceux qui prétendent être vivants, qui s’exclament « Je suis vivant, je suis quelqu’un, j’ai un statut important, je suis ceci, je suis cela… » Le Seigneur leur répond ﷻ : « Est-ce que celui qui était mort, à qui Nous avons rendu la Vie en lui attribuant une Lumière par laquelle il marche au sein des gens… » [s6.v122] Ce qui veut dire : si tu as une Lumière par laquelle tu marches au sein des gens, alors tu es vivant… mais si tu n’as pas de Lumière : Tu es mort ! Qui que tu sois, quel que soit le niveau de connaissance que tu aies pu atteindre, quelle que soit l’élévation de ton statut social… même si tu avais en ta possession les cieux et la terre, entièrement soumis à ton bon vouloir… le Vrai ﷻ te parle ici de « celui qui était mort, et à qui Nous avons rendu la Vie » : nous sommes tous des êtres morts, exceptés ceux que Allâh a fait revivre par Sa Lumière ! A partir du moment où l’individu n’a pas ce privilège, qu’il s’abstienne de prétendre à être vivant, ou à être quelqu’un, ana (moi je), ana, ana… Il vaut mieux pour lui se taire, se résigner et suivre les gens d’Allâh, jusqu’à ce que le Seigneur le fasse parvenir à ce qui lui fut prescrit. Evidemment, ceci si son intérêt se trouve véritablement dans l’accès à la Haqiqa ! Car si au contraire il se complait dans sa vie d’apparences et d’illusions, son statut est alors le même que celui de l’animal… parce que l’unique préoccupation de l’animal, c’est le fait de boire, manger, dormir et s’accoupler. Alors effectivement, nous disons que l’animal est vivant, mais sa vie n’est évidemment pas comparable à celle de l’être humain ! La vie des animaux n’est pas la même que celle des fils d’Adam…

Voilà donc pourquoi nous disons que certaines âmes sont mortes… mais si elles s’attachent à la fréquentation (suhba), elles peuvent alors revivre. Ici il s’agit bien de suhba ! Ne vas surtout pas croire que l’éducation spirituelle (tarbiya) soit possible sans suhba ! …donc nous disons que si cette âme morte s’attache à la fréquentation des gens de tarbiya… mais, comment doit être cette fréquentation ? Elle doit être à l’exemple de : « Puis-je te suivre, afin que tu m’apprennes de ce qu’on t’a enseigné de la bonne guidée ? » [s18.v66] La suhba se fait obligatoirement par le suivi. Ce que je fais : tu dois le faire aussi. Mais si tu t’imagines que tu es dans la suhba, alors que tu renies le suivi… sache que tu n’es pas concerné par la tarbiya, et que le flux spirituel (madad) ne te parviendra pas, parce que ne peut saisir le madad que celui qui aura suivi les gens de la guidée (ruchd) et les détenteurs de la preuve évidente (bayina). Et qui sont ces gens de la guidée et de la preuve évidente ? Ce sont ceux à qui Allâh ﷻ a octroyé une Miséricorde et un Savoir : « l’un de Nos serviteurs à qui Nous avions donné une Miséricorde de Notre part, et à qui Nous avions enseigné un Savoir émanant de Nous. » [s18.v65] La Miséricorde, c’est la Lumière… tandis que le Savoir, c’est le Savoir qui émane de cette Lumière. [1] Donc si tu devais rencontrer le dépositaire de ces deux choses : tu n’aurais alors plus qu’à t’efforcer de suivre ses pas. Et si tu prétends être dans la tarbiya, alors que tu es présent selon ton bon vouloir, alors que tu ne fais que ce qui te plait, alors que tu dors et te réveille quand et comme il te convient, alors que tu fais tout ce qui te passe par la tête comme ça te chante… et lorsqu’on te questionne sur ce que tu fais, tu réponds que tu agis pour Allâh (lillâh)… Mais où es-tu de la Parole « lillâh » !? Tu n’as aucune part en cela, tout simplement parce que tu ne fais pas partie des gens du suivi.

Donc nous disions, lorsque l’âme morte s’attache à la fréquentation des gens de tarbiya, alors se séparent en elle les dimensions de la nafs et celles de l’esprit (roûh). Cette séparation se fait par les Sciences ésotériques ainsi que par les Secrets de la ma’rifa, et une telle personne peut alors être considérée comme un témoin de l’authenticité du Shaykh de tarbiya. Quant à celui qui dit qu’il n’y a pas de Shaykh de Tarbiya ici, nous lui répondons que son affirmation est en réalité retournée contre lui… en vertu des témoignages de ceux qui se trouvent là. Nous avons une preuve limpide et évidente : « Notre Tariqa est la Tariqa de la vision (mouchâhada) : celui qui n’a pas de vision, je ne suis pas son Shaykh et il n’est pas mon disciple ». A partir du moment où le cheminant a des visions, nous détenons une preuve et une bayina de l’authenticité de la Voie. Si au contraire il n’y avait pas de mouchâhada, et s’il était impossible pour le cheminant de parvenir à cette mouchâhada, alors nous aurions pu remettre en question notre avis, pour peut-être suivre le tien… Mais à partir du moment où la preuve est là, nous nous basons sur une bayina et un burhân, notre preuve est irréfutable, tandis que de ton côté tu n’as rien d’autre que des « on dit ». Ta connaissance n’est qu’une connaissance livresque, une connaissance transmise selon d’autres personnes, qui eux-mêmes la tiennent d’autres personnes, qui la tiennent d’autres personnes… et il se peut que dans ta chaîne se trouve une faille, et que de ce fait les avis que tu avances soient totalement faux, sans même que tu puisses t’en rendre compte.

Notre Seigneur ﷻ dit : « Et Nous avons fait de l’eau toute chose vivante ». C’est-à-dire, à partir de l’Eau de l’inconnaissable (ghayb), qui n’est autre que le Vin prééternel… et lorsqu’on questionna le Prophète ﷺ, où était notre Seigneur avant que la création ne fut, il répondit : « Il était dans le chaos (fî ‘amâ), au-dessus se trouvait de l’air, et en dessous de l’air. » [Sahîh ibn Hibbân, Hadîth n°6275]. Et en arabe, concernant le mot ‘ama ( عماء ), traduit en français par « chaos », si on lui retire le ‘aïn ( ع ) de la Haqîqa prééternelle (sachant qu’en arabe ‘aïn désigne aussi la source ou l’essence d’une chose)… il nous reste ma’ ( ماء ) : l’eau.  Et cette eau n’est évidemment pas comme celle que tu retrouves dans ton verre, ou dans le puits… Plutôt, il s’agit de l’Eau de l’inconnaissable (ghayb), le Vin enivrant prééternel, cela même par quoi Allâh ﷻ dota de vie toute chose vivante. « Ne croiront-ils donc pas ? » en l’existence et en la présence de cette Eau auprès de ses gens, ceux qui furent appelés tantôt Mashaykh, tantôt Savants, ou gens de la vertu et de la réussite…

Ici, l’eau est une métonymie [2] renvoyant à l’Existence de Celui par qui les Sources de Haqiqa se sont distinguées les unes des autres, et par qui chaque Haqiqa s’est séparée des autres… de la même manière que al-Qâbid (Celui qui saisit) s’est distingué de al-Bâsit (Celui qui étend). C’est cela que nous appelons « Eau ». Cette eau, disions-nous, est une métonymie renvoyant à l’Existence de Celui par qui les Sources de la Haqiqa se sont distinguées les unes des autres… c’est-à-dire que l’Eau t’a donné une certaine image, cependant sa Haqiqa est et demeure Unique. C’est-à-dire que même si cette eau t’apparaît dans sa forme matérielle, elle demeure de l’eau, et peu importe la nature des boissons par lesquelles on puisse se désaltérer, malgré l’étonnante variété de ces dernières, leur base est et demeure de l’eau. Cette eau est par nature céleste, dans tous les sens du terme. Elle n’a ni goût, ni odeur, ni couleur, ni forme… sa description est extraordinaire ! Tu es incapable de la décrire, car elle peut revêtir toutes les descriptions. Elle flue en toute chose. Elle fend la pierre, malgré la dureté de cette dernière. Elle circule dans les arbres au travers du bois et des feuillages, elle flue dans l’être humain… elle est en toute chose, puisque c’est à partir de l’eau que notre Seigneur donna vie à toute chose. C’est comme s’il s’agissait du Nom al-Hayy (le Vivant), fluant dans tout ce qui est néant… Telle est la nature de l’eau.

Voilà pourquoi dans le quatrième Secret, le cheminant apprend… c’est-à-dire juste après la séparation d’avec le lâm al-ma’rifa et la fuite vers le Alif al-Mouqaddar… et celui qui est passé par cela comprend parfaitement ce que je suis en train de dire. Donc c’est en accédant au quatrième Secret que le cheminant apprend la Scission (Fasl), afin justement d’être en mesure de scinder, puis d’unir par le cinquième Secret (le Secret du Wasl), ces différentes Sources (‘aïn) de la Haqiqa. Parce que en vertu du Fasl et du Wasl, lorsque tu dis « Allâh », nous savons et nous saisissons qu’Il est al-Rahmân, al-Rahîm, al-Malik, al-Qouddoûs, al-Salâm… ainsi que tous les autres Noms exotériques (reconnus dans le Dhâhir), auxquels viennent s’ajouter les Noms relevant du domaine de l’Occulté (Bâtin). Ces Noms, tu ne pourras les Connaître et les distinguer que par le quatrième Secret, qui te permettra de séparer un Nom d’un autre Nom… car dans le Fasl et le Wasl, tu apprends à séparer un Nom d’un autre Nom, tout en réalisant la Jonction de ces derniers, renvoyant à l’Unique Nommé. Tu dis ainsi : al-Rahmân al-Qahhâr. Tu sépares al-Rahmân de al-Qahhâr, du fait que l’Attribut de Miséricorde n’est pas le même que celui de la Coercition. Au contraire, ils sont même opposés l’un à l’autre. Et tu ne pourras passer de la réalité de al-Rahmân vers celle de al-Qahhâr qu’en te séparant (fasl) de al-Rahmân et en te joignant (wasl) à al-Qahâr, et vice-versa. Voilà pourquoi le quatrième Secret est un passage absolument indispensable vers la réalisation de la ma’rifa… et voilà pourquoi certains disciples ont dit, lorsqu’ils sont parvenus au quatrième Secret : « De ce quatrième Secret, je n’ai véritablement appris que l’authentique transcendance divine« . C’est-à-dire : j’ai appris que le quatrième Secret, c’est le tanzîh. Ceci, c’est depuis son point de vue (du disciple)… car effectivement, par le Fasl il a commencé à distinguer les Noms les uns des autres, jusqu’à plonger et disparaître dans la Scission où il demeura absolument séparé de tout… Cependant, il ne faut pas oublier que le Fasl et le Wasl désignent deux passages pour une seule et même Voie, et que le Fasl doit obligatoirement être suivi du Wasl, afin que le cheminant demeure lié aux flux spirituels lui parvenant de son Seigneur. Donc pour résumer, au travers du quatrième Secret, le cheminant apprend le Fasl, afin de séparer et distinguer, puis Joindre par le Wasl du cinquième Secret. Quant à la vie éphémère, si elle n’est pas marquée par le Fasl (la mort), en aucun cas l’Esprit ne pourra parvenir à la Jonction, c’est-à-dire par là-même à la Vie éternelle. Ici, tu comprends à quel point tu as besoin de ces deux Secrets. Et tu comprends de même qu’il te faudra obligatoirement apprendre à Connaître les 7 considérations du Nom « Allâh » (7 Lectures), afin d’apprendre à moduler et adapter ton cheminement vers la parfaite réalisation de la servitude, qui mène à la Connaissance de la Seigneurie. Mais si au contraire tu t’évanouis et disparais dans le premier Secret (le Secret du hâ), sans découvrir les Lectures qui suivent, c’est alors comme si tu te noyais dans un océan sans rivages, sans fond ni surface.

Quant à la vie dans le fana, il s’agit de la vie supplémentaire par laquelle la chose existe pour autre qu’elle-même : soit la vie des créatures n’existant que pour Allâh (lillâh), et non pour elles-mêmes. La vie supplémentaire, c’est celle qui marque le début du cheminement de l’aspirant vers la Connaissance du Seigneur. Ce dernier est en recherche, et il cherche à devenir entièrement « lillâh »… c’est-à-dire cela même dont nous parlons actuellement : la Lecture du lâm al-qabd par le lâm al-ma’rifa. Et ce « lillâh », le disciple l’apprend après avoir séparé tout son être de la vie pour qui que ce soit d’autre que Allâh. Il ne veut plus vivre que pour Allâh, et pour aucune autre chose. Quant à ceux qui font de cette vie une vie pour les choses, comme nous le disions précédemment, ce sont des animaux. L’animal est celui qui vit pour manger, boire et dormir. Quant au croyant, il vit pour Allâh ﷻ et cherche à fermement établir sa vie dans une évolution céleste, et ce jusqu’à recevoir le don d’Allâh qu’est la Vie éternelle. Au sujet de cette dernière le Seigneur ﷻ dit : « Ne pense pas que ceux qui ont été tués dans le sentier d’Allâh soient morts. Au contraire, ils sont vivants, auprès de leur Seigneur, bien pourvus. » [s3.v169] « Ne pense pas que ceux qui ont été tués dans le sentier d’Allâh… » c’est-à-dire, Il leur ai donné la vie, et ils l’ont sacrifiée dans le sentier d’Allâh… ne pense pas qu’ils sont morts. Au contraire, ils sont vivants, auprès de leur Seigneur, bien pourvus ! Pourvus de dons et de grâces divines, pourvus de la Vie éternelle, pour l’immense sacrifice qu’ils ont fait. Et pour qui ont-ils fait ce sacrifice ? Pour Allâh (lillâh), l’Unique, l’Exclusif. Et à quoi renvoie ce sacrifice ?
« Certes Allâh a acheté des croyants leurs propres personnes (nafs) ainsi que leurs bien en échange du Paradis. » [s9.v111] Cela veut dire que ta propre personne, ou ta nafs, est une nafs supplémentaire qu’il te faut retourner entièrement à l’éternité. Tel est le passage du lâm al-qabd vers le lâm al-ma’rifa : il s’agit de la réalisation du fana, que nous avons précédemment appelé as-Sahq, la pulvérisation. Il s’agit donc que tu sois entièrement pulvérisé, en tout ce que peut comprendre ta pensée, ton être, ta connaissance… dans la Présence du Miroir du Vrai, ou dit autrement, dans le centre du hâ’ al-hawiya. Et il s’agit là du plus élevé des degrés. Alors, tu seras effectivement « lillâh », et tu t’en remettras entièrement à Lui, sur les traces de Ibrahim (‘alayhi s-salâm) : tu seras jeté dans un feu ardent, sans que celui-ci ne te brûle, et sans qu’on ne considère que ceci soit pour toi un prodige (karama). Car t’attribuer une karama à ce moment-là, c’est te faire retourner dans la vie matérielle… or ce que nous voulons nous, c’est que tu apprennes la Vie éternelle ! On ne dit donc plus que tu as reçu une karama, car la karama ne concerne que ceux qui demeurent confinés dans la vie matérielle, et toi tu en as déjà fini avec cette dernière, tu ne recherches plus rien, ni prodige ni quoi que ce soit d’autre que la Face d’Allâh ﷻ.

Si la vie de l’individu est différente de ceci, c’est-à-dire si la personne n’a pas suivi ce développement spirituel et ce retour à la prééternité, sa vie n’a absolument aucune existence… Quant à l’Insân al-Kâmil, Allâh a manifesté en lui Sa Vie véritable et prééternelle. Mais qui est al-Insân al-Kâmil ?
Il s’agit de celui qui vit cette Vie éternelle, celui qui a reçu cette Eau de l’inconnaissable (ghayb). Il prit alors forme en une multitude de corps et d’esprits, se manifesta dans de nombreuses âmes, sous des apparences et des états parfois totalement différents les uns des autres… et ceci dans le monde matériel. Tout le monde se mit à sa recherche, mais jamais personne n’est parvenu à connaître et cerner sa réalité. Tout simplement parce que connaître sa réalité, c’est connaître la Vie éternelle… et à partir du moment où tu es incapable de parvenir à sa réalité, c’est que tu es encore et toujours en quête de cette Vie éternelle. Notre Seigneur ﷻ fit de cette dernière un signe et une indication, afin de te permettre de parvenir à Sa Connaissance. Cette Vie est une Vie que la mort ne peut atteindre… comme cela apparaît clairement dans le verset précité : « Ne pense pas que ceux qui ont été tués dans le sentier d’Allâh soient morts. Au contraire, ils sont vivants (pluriel), auprès de leur Seigneur, bien pourvus ». La mort véritable ne peut les rattraper, même si leur état Vivant peut devenir caché pour les gens du commun. Cette Vie qui est la leur est au contraire la Vie absolue. Et même si pour les gens percevant les réalités du Malakoûte, cette Vie leur apparaît sous une forme apparente déterminée, elle est en réalité absolue et illimitée, tout simplement parce que la vie de toute chose ne fait que découler de cette Vie. Et c’est pour cette raison que nous la désignons comme étant le centre du hâ’ al-hawiya… Que veut dire le centre du hâ’ al-hawiya ?
Ne va pas t’imaginer dans ta tête un cercle… non ! C’est une source. La source de l’Eau de Vie que al-Insân al-Kâmil a bu et qui le rendit immortel. Al-Khidr (‘alayhi s-salâm) fut nommé ainsi parce que la terre verdit sous ses pieds, lorsqu’il passe ou bien lorsqu’il prie dans un endroit particulier. Evidemment toi, tu es resté ébahi en entendant ces récits et tu as dit : « C’est une Karama !« … alors que non… et voilà toute la différence entre l’enseignement de notre Tariqa et la compréhension superficielle des textes. Le fait que la terre ait verdit à son passage, et qu’elle soit restée vivante par la suite, cela veut dire que cette terre a connu et reconnu le centre et la source prééternelle. Elle but ainsi donc l’Eau à la Source originelle, et de ce fait demeura vivante… C’est lui qui se dévoile à ceux qu’il veut, tandis qu’il demeure caché des autres. Et c’est ainsi que les gens d’Allâh ont dit qu’il se peut tout à fait que tu le croises au marché, sans savoir que c’est lui… il vend et achète avec toi, sans que tu ne saches rien de lui. Il t’apparait sous la forme d’un homme ou d’une femme, sous l’apparence d’un esclave ou d’une servante, d’un homme ou d’une femme libre… sans que tu ne te rendes compte de qui il est. Les gens d’Allâh t’ont laissé une multitude de signes et d’indications permettant de le reconnaître, mais évidemment tu t’en es tenu aux apparences extraordinaires de ses actes et tu as délaissé les sens profonds dissimulés dans ces récits. Et ainsi, lorsque tu te retrouves à traiter du sujet avec tes amis, tu évoques des prodiges et tu oublies complètement le Savoir originel, ce qui te permet de revenir au fondement même de la Lecture : la recherche de la Source d’éternité.

Al-Insân al-Kâmil est la réalité de l’Eau de l’existence, cette Eau à partir de laquelle Allâh ﷻ fit toute chose vivante. La Vie de l’Insân al-Kâmil, qui n’est autre que le Messager d’Allâh ﷺ, est exclusivement vouée à Allâh. Et la vie de tout être vivant quel qu’il soit est vouée exclusivement à al-Insân al-Kâmil. Tu le dis toi-même lorsque tu répètes : « Je pris une Poignée de Ma Lumière et lui dis : « Sois Muhammad ! » »… et puis, tu te diriges vers l’assemblée en te prenant pour un Shaykh, et tu affirmes : « Et Allâh a créé le Paradis pour les aimant de sayidina Muhammad… et Il a créé l’Enfer pour les ennemis de sayidina Muhammad … Et Il n’a créé aucune chose de cet univers, si ce n’est pour toi ô Muhammad !  » et puis lorsqu’on te renvoie à tes propres paroles, tu te retrouves à parler sans Wassita… Tu parles, et tu ne sais même pas ce que tu dis !
Si tu savais véritablement le sens de ce que tu viens de dire… toutes les réalités ésotériques de la Haqiqa s’y trouvent réunies ! Mais toi, tu n’en as pas perçu la moindre lettre ni le moindre Point… c’est ça le problème ! Ce ne sont pas de simples mots… voilà pourquoi les gens d’Allâh ont dit que ce Savoir n’était pas le Savoir des feuilles, mais que plutôt il s’agissait du Savoir de l’expérimentation personnelle et du goût (dhawq). Qu’est-ce que cela veut dire ?
Cela veut dire qu’il faut que tu vives et expérimentes toi-même cette Vie ! Que lorsque tu l’évoques, te parvienne un état de ravissement par le Divin, une élévation céleste, par laquelle tu comprendras par le cœur ce que tu as dit et prononcé par la langue.

Donc nous disions que la Vie de l’Insân al-Kâmil est exclusivement vouée à Allâh, et que tout être vivant ne vit que pour al-Insân al-Kâmil, parce qu’il est la copie (nuskha) du Vrai ﷻ et la forme apparente et existenciée de Ses Noms. Tu ne peux pas renier ce fait, car dans un Hadîth Sahîh le Messager d’Allâh ﷺ dit : « Allâh a créé Adam à l’image de ar-Rahmân » [Rapporté par al-Boukhâriy], et dans une autre version tout aussi authentique : « Allâh a créé Adam à Son image » [Rapporté par Muslim].

Donc de même que al-Insân al-Kâmil est la Source de la Vie prééternelle, il est le sens profond des subtilités éternelles, de sorte que de Sa Vie prééternelle découlent les réalités des Noms et se distinguent les perpétuités. « Dis : « Si la mer était une encre pour écrire les paroles de mon Seigneur, certes la mer s’épuiserait avant que ne soient épuisées les paroles de mon Seigneur, quand bien même Nous lui apporterions son équivalent en renfort » » [s18.v109]. Ceci veut dire que les Paroles du Seigneur ne s’épuisent jamais. Elles demeurent illimitées… car la Parole du Vrai est une Parole incréée, prééternelle. Et par ailleurs, Il dit au sujet de al-Insân al-Kâmil : « Il ne prononce rien sous l’effet de la passion : ce n’est rien d’autre qu’une révélation inspirée » [s53.v3/4] cela veut dire que tout ce que dit sayiduna al-Mustafa ﷺ n’est en réalité rien d’autre que la Parole du Seigneur… pour ceux qui perçoivent, goûtent et comprennent la réponse de la mère des croyants Aïcha (radiAllâhu ‘anha), lorsqu’on lui demanda de décrire le Messager d’Allâh, ou autrement dit, comment était al-Insân al-Kâmil ﷺ ? Elle répondit : « Son caractère était le Coran » [Rapporté par Muslim] Soit dit autrement : « C’était un Coran qui marche ». Sache donc que le Messager d’Allâh ﷺ est la Parole de notre Seigneur.
Qu’est-ce que cela veut dire.. ?
Cela veut dire que tout ce qu’il prononce, même de ce que l’on ne considère pas comme faisant partie du Coran, c’est la Parole d’Allâh. Il se peut qu’il ait parlé ﷺ de choses relevant de ce bas monde, des transactions au marché, ou de choses établissant des statuts dans la Chari’a : tout ceci, c’est la Parole de notre Seigneur, car : « Il ne prononce rien sous l’effet de la passion, ce n’est rien d’autre qu’une révélation inspirée ».

Allâh ﷻ dit : « Quand bien même tous les arbres de la terre se changeraient en calames pour écrire, quand bien même l’océan serait un océan d’encre où conflueraient sept autres océans, les Paroles d’Allâh ne s’épuiseraient pas. » [31.v27] Alors évidemment ici tu considères d’un regard de magnificence la Parole de notre Seigneur, que ne pourraient consigner l’équivalent de sept océans d’encre… mais pourquoi ne t’étonnes-tu pas de celui qui a rapporté cette Parole ? Car même si tu rapportais l’équivalent de tous les océans en encre, tu ne pourrais consigner toute la Parole de sayidina al-Mustafa ﷺ. Et si tu changeais tous les arbres de la terre en calames pour écrire, ils ne suffiraient pas et tu serais incapable de consigner la Parole de al-Insân al-Kâmil ﷺ. Tu n’as jamais pu écrire de lui qu’à la mesure de la prédisposition de ton cœur, et selon ce que pouvait en percevoir ton ouïe. Même si tu voulais en faire d’avantage, tu en serais incapable. Tu ne peux percevoir de ce qu’il exprime que ce que te permet ton degré spirituel, et tu ne peux pas et ne pourras jamais saisir et réunir tout ce qu’il communique. Ceci nous permet de comprendre pourquoi toutes les caractéristiques du Vrai ﷻ sont parfaite, incernables, illimitées, en terme de Science, de Capacité, de Parole et bien d’autres… tandis qu’au contraire les caractéristiques du serviteur sont toutes confinées, limitées. Dans le Tawhîd al-Farq, lorsque tu considères la forme vue dans le miroir, tu constates que ses caractéristiques ont un début et une fin, aussi bien en terme de science, de capacité ou de parole. Mais si le Vrai ﷻ habille Son serviteur de l’un de Ses Attributs qui sont par nature illimités… par exemple, s’Il habille Son serviteur de l’Attribut de Parole, de la même manière qu’Il habilla al-Insân al-Kâmil, c’est-à-dire sayiduna al-Mustafa ﷺ… alors, les intellects se trouvent contraints d’admettre leur incapacité à saisir et cerner toute la portée de son discours. Et même s’il continuait de parler pour le reste de sa vie, ses paroles ne tariraient pas, jusqu’à ce que le Vrai ﷻ Lui-même le fasse taire.

La Parole de celui à qui le Vrai ﷻ a donné la permission (idhn) de s’exprimer profite avant tout à celui qui s’exprime… il ne fait que parler, mais en parlant il profite de ce qu’il dit avant même d’en faire bénéficier autrui. C’est là le résultat de l’annihilation (mahq)… Il a atteint la Connaissance de « à portée de deux arcs », puis il plongea dans le Point du noûn, qui n’est autre que le centre du hâ’ al-hawiya, et c’est de là qu’il puisa dans l’arc de l’inconnaissable (ghayb) ce qu’il projeta ensuite dans l’arc du monde créé (ayn). De ce fait, il profite des deux points de vue : il bénéficie aussi bien de l’arc de l’inconnaissable que de l’arc du monde créé, et si quelqu’un pose une question depuis l’arc du monde créé, il est le premier à profiter de cette question et de tout ce qu’elle entraîne comme réponse.

De même, si tu le considères du point de vue de la Capacité (qudra), tu constateras qu’il étend sa capacité sur toute chose. Et si tu le considères du point de vue de l’Ouïe (sam’), tu constateras qu’il entend toute chose. Et si tu le considères du point de vue de la Vue (basar), tu constateras qu’il perçoit toute chose existante (voir ci-joint le passage de al-Insân al-Kâmil). Ainsi nous le dit le Hadîth du Waliy : « Je deviens son ouïe par laquelle il entend, sa vue par laquelle il voit, sa main par laquelle il saisit, son pied par lequel il marche. »… toutes ces caractéristiques se trouvent réunies dans le serviteur. En d’autres termes, cela signifie que toutes ces caractéristiques de perfection furent voilées par les caractéristiques respectivement opposées, et ce dans le but de garder caché le Secret de la Seigneurie.

On remarquera que les caractéristiques divines sont elles aussi réunies en l’être humain… Allâh a l’Attribut de Vie, mais on dit également de l’être humain qu’il est vivant. Et le Seigneur a même dit : « Est-ce que celui qui était mort, à qui Nous avons redonné la Vie en lui attribuant une Lumière avec laquelle il marche parmi les gens… » : la Vie de cet Insân al-Kâmil est par la Lumière du Seigneur… et ainsi il fut habillé d’un Attribut divin.
Comment était le Messager d’Allâh ﷺ ? C’était un Coran qui marche : il était donc l’Attribut divin de Parole. « Et Il enseigna à Adam tous les Noms » [s2.v31] … « Allâh créa Adam à Son image »…de sorte qu’il devint une forme et une image déterminée de Celui qui n’a ni début, ni fin : une image de Celui qui n’a pas d’image.

Voilà pourquoi Sa Parole n’a pas de fin. Il est al-Moubdi (l’Initiateur) al-Mou’îd (Celui qui reproduit la chose)… Allâh ﷻ dit : « Mais ils sont dans la confusion au sujet d’une création nouvelle » [s50.v15]. Cela veut dire qu’à chaque fois, Il Se présentera à toi sous une apparence différente. Il t’apparaitra dans une forme, ou bien dans le déroulement d’une chose… et à chaque fois Il Se vêtira différemment et te laissera dans la confusion, incapable de Le comprendre et de Le saisir, ni de parvenir à Lui. Le Vin prééternel s’habilla ainsi de toutes les couleurs, du fait qu’il n’a aucune couleur particulière ; il s’appropria toutes les saveurs, du fait qu’il n’a lui-même aucune saveur ; il prit toutes les formes, du fait qu’il n’a lui-même pas de forme… et c’est ainsi que sa réalité est et demeure un Secret impénétrable, auquel nul ne peut parvenir, excepté celui que Allâh ﷻ aura privilégié en ce sens.

Sayiduna ‘AbdelKarim al-Jîliy (radiAllâhu ‘anhu) dit, dans al-Insân al-Kâmil :
« Et parmi les gens, s’en trouve à qui le Vrai Se manifesta par Son Attribut de Vie (Hayât), de sorte que le dit serviteur en devint lui-même la Vie de l’univers tout entier. Il voit ainsi les émanations de sa propre Vie fluer dans l’ensemble des créatures, dans leurs corps aussi bien que dans leurs esprits. Il contemple les sens profonds comme étant des formes apparentes, dont la vie proviendrait de lui. Il n’y a ici plus de sens profond matérialisé sous forme de paroles ou d’actes, ni sous des formes subtiles à l’instar des esprits, ni sous des formes plus grossières à l’exemple des corps, sans que ce serviteur ne contemple en elles la manière avec laquelle elles (les formes) puisent leur vie de sienne… il reconnaît cela directement, sans intermédiaire. »
[al-Insân al-Kâmil – page 82]

Voilà la véritable perception des saveurs théophaniques ! Ce serviteur est devenu sans couleur, sans odeur, sans goût, sans forme… et c’est ainsi qu’il se mit à prendre à sa guise toutes les formes qu’il voulait, ainsi qu’il se mit à fluer dans toutes les odeurs, dans toutes les saveurs et dans toutes les couleurs… son degré spirituel était très élevé.
Et sayidi al-Jîliy ajoute à la suite :
« Et je vivais cette théophanie un certain temps : je contemplais en moi la vie des créatures et je distinguais en quelle mesure chacun d’eux participait à ma vie ; or, chacun y participait selon sa propre essence ; cependant j’étais unique dans ma vie et sans séparativité interne. Cela dura jusqu’à ce que la main de l’Assistance divine me transportât vers un autre état de connaissance, et cependant il n’y a pas d’ « autre ». »

Donc l’Imâm al-Jîliy dit :  » Et je vivais cette théophanie un certain temps »… nous ne faisons ici que répéter ses propres mots… parce que les esprits de 2016 sont pétrifiés et totalement inertes. Il faut sans cesse que nous ramenions les paroles d’al-Jîliy, de ibn ‘Arabi, de al-Nabulsiy pour prouver ce que nous disons… afin que peut-être ! sorte de ces esprits pétrifiés… ne serait-ce qu’un verre d’eau !
Al-Jîliy dit donc : « Et je vivais cette théophanie un certain temps : je contemplais en moi la vie des créatures et je distinguais en quelle mesure chacun d’eux participait à ma vie ;or, chacun y participait selon sa propre essence » : c’est là justement ce que nous disons ! L’Homme revient à la forme atomique, et de là il plonge et pénètre au plus profond de la pierre et nous en apporte toutes les informations qu’elle peut contenir. Il pénètre dans l’arbre, et il nous rapporte le Savoir que détient l’arbre. Il va dans les constellations, et nous rapporte toutes les sciences qu’elles recèlent… tel est le Savoir du Seigneur ! Telle est la réalité de « Allâh est la Lumière des cieux et de la terre ». Deviens toi-même une étoile, circule dans l’ensemble de Son Moulk, et rapporte-nous les informations qu’il contient ! Tu n’en es pas capable !? Alors au moins, ne renie pas que cela soit possible ! Ici il s’agit de al-Jîliy… ce n’est pas n’importe qui… il ne s’agit pas de monsieur tout-le-monde, pour que tu puisses ainsi, du haut de ta sombre ignorance, mépriser et jeter ses propos !
Cherche donc, qui est al-Jîliy ? Quel est son degré de maîtrise dans le fiqh, dans la science du Hadîth, dans la mémorisation du Coran, et dans toutes les sciences exotériques en général ? Et si tu veux réfuter une telle personnalité, commence déjà par nous présenter quel est ton degré de connaissance des sciences exotériques ! Car il est fort probable que tu ne sois, comparé à lui, qu’un parfait ignorant. Que connais-tu du Coran ? Lui avait mémorisé et maîtrisait ses sept lectures. Que connais-tu du Hadîth ? Serais-tu en mesure de nous en rapporter un seul, avec chaîne de transmission ? Al-Jîliy lui le faisait ! Reconsidère donc l’état qui est le tien, comparé à celui de al-Jîliy… et vois donc ce qu’il te dit :
« … or, chacun y participait selon sa propre essence ; cependant j’étais unique dans ma vie et sans séparativité interne. » C’est-à-dire qu’il ne faut pas comprendre que al-Jîliy eut été séparé en particules ni en atomes, et qu’il ait dès lors envoyé chacune de ces particules vers une forme donnée… non ! Tu es dans l’erreur ! Et il te le fait comprendre de manière très claire en précisant : « sans séparativité interne ». Puis il ajouta :  » Cela dura jusqu’à ce que la main de l’Assistance divine me transportât vers un autre état de connaissance », ce à quoi il te rajouta une compréhension éminemment céleste et conclut :  » et cependant il n’y a pas d’ « autre ». « .

Il n’est donc plus à cacher que sayiduna al-Jîliy (radiAllâhu ‘anhu) est une manifestation d’entre les manifestations de la Vie du Maître de la création ﷺ. C’est cela même qu’il désigna comme était le Souffle du Miséricordieux (nafas al-Rahmân). Et dans le Hadîth connu il nous dit ﷺ : « Je laisse parmi vous deux choses qui, si vous vous y attachez fermement, vous ne vous égarerez jamais après moi, l’un étant plus important que l’autre : le Livre d’Allâh, qui est une corde tendue depuis le ciel vers la terre, et la lignée des gens de ma maison (‘itrat ahl al-bayt). Ils ne se sépareront jamais l’un de l’autre jusqu’à ce qu’ils soient tous deux retournés au bassin. » [Rapporté par at-Tirmidhiy].
Lorsque tu entends parler de ‘itrat ahl al-bayt, cela ne désigne pas tous les ahl al-bayt, mais uniquement la ‘itra. Ahl al-Bayt englobe toute la descendance de la Maison de sayidina al-Mustafa ﷺ… tandis que la lignée (‘itra), ce sont les gens comme sayidina al-Jîliy, c’est-à-dire les gens du Souffle divin. C’est de ceux-là que le Messager d’Allâh ﷺ nous parle lorsqu’il nous enjoint à nous y attacher fermement. Quant aux gens de Ahl al-Bayt en général, il nous a demandé de les aimer : « Aimez les gens de ma Maison par amour pour moi » [Rapporté par al-Boukhâriy]. Donc il s’agira d’aimer l’ensemble de la descendance Prophétique, de manière générale… mais concernant le ferme attachement, sayiduna al-Mustafa ﷺ n’a pas dit de s’attacher fermement à l’ensemble des Ahl al-Bayt. Non ! Il a bien précisé qu’il s’agissait de la lignée (‘itra) de Ahl al-Bayt, qui n’est autre que le Souffle du Miséricordieux (nafas al-Rahmân). Comprends donc bien le Hadîth !

Par conséquent si un Homme peut atteindre l’éminence de ce degré spirituel… qu’en est-il et que dira-t-on de sayidina al-Mustafa ﷺ ? Comment pourra-t-on expliquer le Mi’raj du Prophète ﷺ ?
Nous dirons que lors de son Ascension, il n’a jamais salué personne d’autre que lui-même, par lui-même ﷺ. Il se salua donc lui-même dans le Souffle de la Prophétie de Adam (‘alayhi s-salâm), et il se retourna lui-même le salâm… de sorte qu’il n’y avait pas de Adam qui ne soit en réalité al-Mustafa ﷺ… et ainsi de suite jusqu’à ce qu’il parvienne jusqu’à l’intime, sayiduna Ibrahim (‘alayhi s-salâm). Il le salua alors, et il lui rendit le salâm… sans qu’il n’y ait de Ibrahim qui ne soit en réalité al-Mustafa ﷺ.
Si al-Insân al-Kâmil à son époque parvient à atteindre un tel degré spirituel, comment toi tu pourrais attribuer une description à sayidina al-Mustafa ﷺ, le limitant et le confinant ainsi dans une apparence corporelle illusoire ? Voilà pourquoi les ahl Allâh ont dit et affirmé que le plus haut degré de la vision de sayidina al-Mustafa ﷺ, c’est la vision de sa Lumière : il s’agit là du degré de l’élite.

C’est donc ainsi que toutes les âmes découlent de sayidina al-Mustafa ﷺ, et c’est depuis sa Niche de Lumière qu’apparurent les différentes Lampes, dont la Haqîqa découle elle-même de l’Arbre Béni et de l’Olive porteuse de l’huile de l’Existence, du fait que ne purent la confiner ni d’Orient de l’Apparition, ni l’Occident de l’Occultation. « un olivier ni oriental ni occidental » [s24.v35] Aucune apparence ne la voile, ni aucune Haqîqa ne l’occulte. C’est cela que l’on appelle le madad d’al-Mustafa ﷺ… si tu entends parler du madad Prophétique… c’est de cette manière qu’il vient, dans cette manifestation et sous cette forme précise. Son huile semble alors s’éclairer elle-même par elle-même, sans que jamais n’apparaissent aucune part ni de l’Apparition ni de l’Occultation, par le feu de l’Amour divin au sujet duquel Il dit ﷻ : « J’ai aimé Me faire connaître ». Celui qui parviendra à ce degré de réalisation spirituelle atteindra par là-même le Secret de « J’étais un trésors caché »… nous connaissons tous ce Hadîth : « J’étais un trésor caché et J’ai aimé Me faire connaître : Je créais donc la création, et par Moi ils Me connurent ». Je ne te demande pas de me donner un tafsîr de « J’étais un trésor caché », ni de « Je créais donc la création »… simplement, donne-moi un tafsîr de « et par Moi (fabi) ils me connurent », donne-moi juste le tafsîr de « fabî« . Si tu maîtrises « fabî« , et si tu fais partie des gens de la Science de « fabî / فبي « , c’est-à-dire par la Science du retour du fa ( ف ) vers le ba ( ب ), puis du retour du ba vers le ya ( ي ), puis du retour de l’Ordre divin à l’Origine… alors on pourra considérer que tu as compris le Hadîth dans son entièreté. Mais si tu en restes à donner ou à t’imaginer une forme matérialisée du trésor… c’est dans ces cas-là qu’on voit les langues s’agiter et prétendre au tanzîh, alors que les cœurs sont remplis de tachbîh. Ta langue dit que le Seigneur est tel qu’aucune chose ne Lui ressemble… mais ton cœur est rempli de choses ! Ta langue dit que tu n’associes personne à ton Seigneur… mais ton cœur est divisé en une multitude extraordinaire d’angles de considérations, aussi divers que variés ! Comprends donc dès lors que tu ne fais de toute évidence pas partie de ces gens à la perception des saveurs théophaniques élevées qu’évoquait sidi al-Jîliy. Celui qui fera partie de ces gens, son cheminement sera céleste et ses compréhensions seront aussi vastes que précises.

Pour étayer notre propos, le faqir Muhammad Florian va nous parler de ses visions relatives justement à cette forme apparente de al-Insân al-Kâmil :

« J’ai vu al-Insân al-Kâmil avec le triangle de la Basmala au-dessus du niveau du nombril, et en dessous du nombril jusqu’aux jambes se trouvait le triangle de l’ombre de la Basmala. Dans le cœur de al-Insân al-Kâmil se trouvait le Nom « Muhammad » en lettres de Lumières, puis tout son corps entra dans ce Nom « Muhammad ». Puis j’ai vu que dans le ventre de l’Insân al-Kâmil se trouvaient les sept cieux et les sept terres, que dans la partie droite de sa poitrine se trouvait le Paradis tandis que dans la partie gauche se trouvait l’Enfer… et le Paradis et l’Enfer tournaient et s’entremêlaient. On ne voyait pas la tête, c’était une nuée de Lumière. Et toutes les jambes, c’était que du feu. Et j’ai vu une autre image, dans laquelle ses bras étaient comme de grandes étendues d’eau avec de la verdure, comme des jardins du Paradis, et dans ses mains se trouvait le Nom Allâh. Dans ses jambes il y avait du feu, et dans ses genoux deux énormes soleils. Et tout en bas de ses jambes, c’est-à-dire au niveau de ses pieds, il n’y avait que des ténèbres. Je voyais les gens entrer dans ces ténèbres, qui étaient cernées par des Lumières, pour faire contraste. Ensuite j’ai vu al-Insân al-Kâmil avec le triangle de la Basmala du haut représentant les Noms de Jamâl, et le triangle de la Basmala du bas représentant les Noms de Jalâl. Et j’ai vu au niveau de la tête le Nom Allâh, puis au niveau du cœur le Nom al-Rahmân, et enfin au niveau de la création (du ventre) al-Rahîm. Et les trois alignés constituaient ainsi un Alif. »

Donc si nous donnons à l’Insân al-Kâmil l’image ou la forme d’un univers, nous découvrons que s’y trouve une partie apparente et une autre cachée, un Moulk et un Malakoute. Ce que nous désignons par Moulk, c’est tout ce que peut percevoir l’œil nu, tandis que le Malakoute renvoie à tout ce que perçoivent les esprits célestes retournant à leur Seigneur ﷻ, en terme de Paradis et d’Enfer, de Noms divins, etc. Telle est donc l’image de l’être Adamien, au sujet duquel le Hadîth authentique nous dit : « Allâh a créé Adam à Son image » [Rapporté par Muslim] Ou selon la version d’al-Boukhariy : « Allâh a créé Adam à l’image de al-Rahmân ». Si donc on considère cette version mentionnant al-Rahmân, nous prenons en compte que « al-Rahmân S’est établi (istawa) sur le ‘Arch » [s20.v5], d’un istiwa qu’évidemment nul ne Connaît si ce n’est Allâh Lui-même ﷻ. Et dans un sens plus proche de notre compréhension Il dit ﷻ : « Son Kursiy contient les cieux et la terre » [s2.v255]. La « contenance » des cieux et de la terre dans la forme apparente de al-Insân al-Kâmil est ainsi à l’image de la contenance du Kursiy des cieux et de la terre. Dans la partie supérieure se trouve tout ce qui est considéré comme noble (‘olwi), et dans la partie inférieure tout ce qui est considéré comme vil (soufli). Il réunit ainsi donc le tout en son sein. C’est de là que nous disons que al-Insân al-Kâmil est exclusivement pour Allâh (lillâh), contrairement aux autres êtres humains qui sont quant à eux pour al-Insân al-Kâmil. Nous disions que cet Insân al-Kâmil est le centre du hâ’ al-hawiya, la Source de la Vie éternelle. Quant aux autres, ils sont des ramifications contraintes au suivi de ce centre, suivi rendu possible par la vision de sa forme apparente, dans le miroir Véritable. Ce centre (markaz) est le miroir du Vrai, tandis que le cercle tout autour sont les reflets de la Réalité du miroir, dans les différentes formes apparentes qu’il peut prendre, aussi bien dans le Moulk que dans le Malakoute. C’est donc comme si al-Insân al-Kâmil était la Haqîqa d’une forme relevant du Jabaroute, qui ferait apparaître au travers de son miroir toutes ses facettes, que les yeux seraient alors en mesure de voir. Voilà ce que nous pouvons comprendre des visions que le faqir (sidi Muhammad Florian) a rapporté, qui ne sont pas venues en une fois ni au cours d’une même nuit, mais plutôt dans un certain nombre de visions différentes… et sachant que certaines choses n’ont évidemment pas pu être dites. Il t’a présenté sa forme, afin que lorsqu’on t’évoque al-Insân al-Kâmil tu n’ailles pas t’imaginer qu’il s’agit d’un corps d’1m20 ou 1m40, de largeur un demi (mètre) ou 30cm, pesant 100 ou bien 60 kg… et tu dirais alors : tel est al-Insân al-Kâmil. Non !

C’est comme pour le Hadîth qui nous dit : « Mes cieux et Ma terre n’ont pu Me contenir, contrairement au cœur de Mon serviteur croyant qui lui le put. »… ce cœur n’est qu’un morceau de chair qui ne peut contenir rien de plus que le sang qu’il distribue dans le reste du corps. Ça, c’est ce que toi tu connais du cœur… cependant la réalité céleste du cœur, c’est d’être la quintessence de l’univers, contenant le Vrai sans aucun autre que Lui. Le cœur du serviteur croyant est donc le cœur de celui qui aura parfaitement accompli le degré de la servitude et sera parvenu à la réalisation d’un puissant degré de Foi (Imân). Son cœur deviendra ainsi donc une Ka’ba, une sidrat al-muntaha, et un Trône (‘arch) du Miséricordieux… et si le cœur est le Trône de al-Rahmân, il est de même le Trône du Nom « Allâh ».

Cet état spirituel a bien évidemment des conditions et des spécificités, ce ne sont pas simplement de belles paroles courant sur les langues, ni des sensations, ni un ressenti. C’est un véritable état vécu par l’Homme de tout son être, ainsi même que nous en a informé al-Jîliy, un état qu’il observe en lui-même et en personne d’autre. Il voit ainsi le flux de cet état circuler dans toute l’existence, depuis sa source originelle. Allâh ﷻ l’y établit un certain temps, puis Il le fit passer à un autre état ou à un autre degré, conformément à ce qu’il avait atteint en son temps en matière de Connaissance et de Proximité divine.

Tel est donc l’Imâm, que certains appellent al-Imâm al-A’dham, ou al-Insân al-Kâmil, ou la Haqîqa de Adam (‘alayhi s-salâm), ou l’élévation de la Wilaya vers les prémices de la Noubouwa, chacun y allant de son expression et de sa définition… l’important étant qu’ils ne désignent par-là nul autre que le Secret des deux lâm réunis. Voilà d’ailleurs pourquoi le lâm ( ل ) apparaît à deux reprises dans le Nom divin. Sans cette répétition, nous aurions lu « dieu » (ilah / اله ), or nous lisons bien « Allâh » ( الله ). Cette répétition n’est évidemment pas due au hasard. Il s’agit bel et bien d’une Réalité apparente, avec un lâm originel, et un deuxième en tant que copie conforme du premier.

Allâh ﷻ dit dans le Hadîth qudsi : « J’étais un trésor caché… », c’est-à-dire : J’étais un Alif véritable et originel, un Alif ( ا ) dont nul ne serait en mesure de parvenir à la Connaissance de sa Droiture. De ce fait, lorsque Je voulus Me faire Connaître, Je penchais au travers d’un arc occulté (bâtini), et alors apparut le lâm ( ل )… et Je donnais ainsi donc au lâm une copie du Alif, de manière à ce que ce qui était caché put devenir apparent. Et lorsque Je dévoilais tout Mon Être à Mon serviteur vertueux, Je répétais cette copie une seconde fois… une seconde copie, que dans notre Tariqa nous appelons lâm al-‘ishq (le lâm du désir ardent). C’est-à-dire que notre Seigneur désira ardemment (‘ashiqa) Apparaître et Se faire Connaître par l’un de Ses serviteurs vertueux, de sorte qu’Il lui dévoila tout Son Être et toute Sa Proximité. Ceci est un flux spirituel de la Sunna du Prophète ﷺ, il ne s’agit pas simplement de belles paroles que l’on prononce… c’est l’ascension de sayidina al-Mustafa ﷺ, jusqu’à ce qu’il parvint au degré qui est le sien, un degré que même les anges ne purent atteindre. Et lorsqu’il traversa sidrat al-Muntaha… s’il avait traversé sans dire mot, nous serions restés abasourdis sans jamais ne serait-ce qu’entrevoir ce qui pouvait bien se trouver au-delà… mais sayiduna al-Mustafa ﷺ, par miséricorde pour nous, s’exprima et dit : « Que la Paix soit sur nous, ainsi que sur les serviteurs d’Allâh vertueux. » comme s’il nous disait qu’il avait partagé ce degré avec les serviteurs d’Allâh vertueux, qui seraient donc en mesure de réaliser l’ascension comme lui l’avait fait ﷺ. Lorsqu’il nous parla des serviteurs d’Allâh vertueux, nous constatons l’emploi du pluriel…

Un jour, un compagnon vint demander au Prophète ﷺ : « Quand l’Heure se manifestera-t-elle ? » Le Prophète lui rétorqua : « Qu’as-tu préparé pour son arrivée ? ». L’homme, comme s’il avait honte, répondit : « Je ne lui ai pas préparé d’abondantes prières, ni beaucoup de jeûnes ni d’importantes aumônes, mais j’aime Allâh et Son Messager. » Le Prophète lui dit alors : « Tu seras avec ceux que tu as aimé » [Rapporté par al-Boukhariy et Muslim].
Ces Compagnons ne sont pourtant ni des Prophètes, ni des Messagers, mais pourtant, ils seront en présence du Sceau de la Prophétie au Paradis. La présence et la compagnie de sayidina al-Mustafa ﷺ dans l’au-delà ne veut pas dire qu’ils aient le même degré spirituel, cependant leur état respectif leur rend possible cette proximité de la forme apparente, ainsi que la vision de celui qu’ils désirent… Et notre Seigneur ﷻ dit dans un verset hautement explicite : « et Il est avec vous où que vous soyez » [s57.v4] Où que tu sois, Il est avec toi… même si tu es dans un endroit qui ne convient pas à Sa Présence, Il est tout de même avec toi… le verset est clair : « où que vous soyez », cela comprend l’ensemble de tous les lieux, quels qu’ils soient. Cependant, lorsque tu te trouves dans un endroit qui ne convient pas à Sa Présence, c’est toi qui n’es pas avec Lui… et lorsque tu te trouves dans un endroit noble et dans une situation relative au céleste, alors il est possible que tu sois en Sa Présence, en fonction du degré d’élévation de ton état… De cela nous devons comprendre que la réalisation de la transcendance (tanzîh) du Seigneur est une obligation incombant à tout musulman quel qu’il soit, sans exception… et que te concernant, ton degré de réalisation de ceci dépendra de ce que tu auras acquis par le suivi de l’Imâm de ton temps et de sayidina al-Mustafa ﷺ, c’est-à-dire le suivi et la conformité à ce qu’il a dit, ce qu’il a fait et ce qu’il a confirmé… puis en pulvérisant (sahq) ta forme dans sa présence. Et alors tu pourras dire que de sa source, tu as bu une particule de Lumière.

Allâhumma place cette Lumière dans nos cœurs, illuminante ! Et dans nos vues, contemplée ! Et dans notre ouïe, écoutée et obéie ! Et à notre droite, et à notre gauche, et devant nous, et derrière nous, et au-dessus de nous, et en dessous de nous, telle une Niche (mishkâte) parfaite ! Et place la dans notre peau, dans nos poils, dans notre chair et dans notre sang tel un markaz hautement spirituel ! Et annihile-nous en elle, afin que nous puissions magnifier l’éminence de sa nature, ô Toi qui es le plus miséricordieux des miséricordieux.


[1] Dans son tafsîr de ces versets, le Shaykh Najmuddîn Kubrâ (qaddas Allâhu sirrahu) dit :
«  » l’un de Nos serviteurs à qui Nous avions donné  Miséricorde de Notre part » : que Nous avons prédisposé à percevoir la Lumière des Lumières de Notre pureté, sans intermédiaire (wâsita) « et à qui Nous avions enseigné un Savoir émanant de Nous » : il s’agit du Savoir lié à la Connaissance (ma’rifa) de Son Essence et de Ses Attributs, un Savoir que nul ne peut atteindre si ce n’est par Son Enseignement. »
[ تفسير التأويلات النجمية في التفسير الإشاري الصوفي ]

[2] Métonymie : procédé de langage par lequel on exprime un concept au moyen d’un terme désignant un autre concept qui lui est uni par une relation nécessaire

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